samedi 18 février 2012

Page 1 (Lilydaffodils)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 1 du texte de Lilydaffodils]

Mireia avait toujours eu peur de l’avion, qu’elle ne prenait que pour son travail, sa passion, l’égyptologie. Aidée par son habituel valium, elle ne sentit pas même l’orage, perdue qu’elle était dans un profond sommeil qui l’immergea dans un rêve étrange où il lui sembla vivre l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. Elle s’éveilla perplexe, tel Moïse devant son buisson.
L'orage passé, Mireia reprenait ses esprits, comme on s'habitue lentement à la lumière au sortir d'un abri obscur. Elle sortit la pomme qu'elle avait dans son sac, pensa aux poissons tués par les pesticides, aux rivières polluées et à ce que les résidus sur la peau du fruit pouvaient avoir comme effets sur son organisme. Son voisin lui adressa la parole, d'une voix lente et essoufflée, comme s'il allait lui révéler un grand secret, s'il survivait jusqu'à la fin de sa phrase.
En bon petit scarabée mu par le respect de ses aînés, Mireia ne souhaita pas même que le temps s'empresse de lui faire manger les pissenlits par la racine. Elle observait sa chevelure neigeuse. Ce vieux puit de science lui évoquait ces sages chinois qui semblent plus que centenaires. Elle croquait dans sa pomme, en écoutant d'une oreille, quand elle prit soudain conscience qu'un homme assis non loin derrière elle la dévorait des yeux. Elle eut alors une idée.
Elle se rendait certes au Caire pour son travail, mais elle était lasse de sacrifier sa vie personnelle à cette autre partie d'elle, laissant en sommeil ses sens, la quête d'un épanouissement profond. La posture de l'arbre, au tai chi, était la seule extase qui lui restât, ce qui l'inquiétait quelque peu. Il lui semblait qu'elle ne vivait pas vraiment sur la même planète que ses contemporains.
Mireia se tourna vers son voisin et, profitant qu’il reprenait son souffle au milieu d’une tirade, glissa quelle devait aller dire quelque chose à un ami. Elle commença à se lever pour rejoindre l’inconnu qui lui souriait, prenant soin de s’extraire de son fauteuil avec élégance, quand le pilote décida d’annoncer leur arrivé prochaine et l’obligation de demeurer assis. Elle subit en souriant le discours du vieil homme, tandis que l’avion traversait un ciel bas, épais et noir. Une heure plus tard, elle fermait la porte de sa chambre, à l’hôtel Louxor. Elle s’allongea, encore habillée, et se mit à espérer que, pour une fois, quelque chose se passe lors de ce colloque.

(à suivre)

Lilydaffodils

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