mercredi 15 février 2012

Episode 3


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Il venait de repérer au milieu d’une coursive de l’appareil, en première classe s’il vous plaît, quelque créature que les entomologistes aiment à spécifier dans des articles pompeux. La bête lui évoquait la métamorphose kafkaïenne ; elle galopait vite, les pattes jaillissantes, sur un genre de laine couleur de moquette sombre sur laquelle des milliers de chaussures avaient déposé leurs résidus pratiquement imperceptibles ; le tout composait un assemblage qu’un œil microscopique eût décrit en des termes proches de la déliquescence – il y avait là des restes de desserts pris à la hâte, des émiettements scabreux, des bouts de verre, et même une larme qui était tombée d’un regard imprudent, le sien en l’occurrence, lui qui se prenait d’amour pour ce cancrelat de taille moyenne pendant que l’avion résistait aux assauts d’un orage céleste. À sa gauche, le piranha lisait un numéro du Financial Times, il était en dehors des petites perceptions, quoiqu’une goutte de transpiration luisait à sa tempe droite, un signe qui trahissait la crainte que l’avion ne se prît dans le piège des nuages. ” (Gregory Mion)



(Suite de l’histoire n°2) ”Elle se rappelait la senteur des fleurs qui la bordent, leur longue marche à travers champs cette nuit d’été, le murmure insistant des insectes, le bruit de l’eau qui ruisselait lentement. Ils avaient croisé quelques moutons un peu plus tôt dans l’après-midi, piqué des pommes dans le jardin qui avoisinait « La Hutte », la maison familiale qui avait été construite par son grand-père. Tout était parfait. Elle n’avait de cesse de le regarder, son cœur battait avec véhémence. Puis ses yeux furent attirés par une lumière au beau milieu de la rivière. Quelque-chose scintillait. Juste là, à quelques mètres d’eux.” (Prisca)



(Suite de l’histoire n°3) “« Amour, lui avait-il écrit un jour pour se faire pardonner de ce qu’elle estimait être une offense, je me languis de vous comme un boulier sans calcul, mes yeux pleurent et de mon cœur déchiré jaillit toute la souffrance et le tourment que me procurent vos adieux. Un simple éclair ne peut honorer votre douceur et votre grâce, moi je vous offre toute la lumière de mon désir et toutes les fleurs de ma passion. Sans vous je ne suis qu’un ver qui cherche le fruit dans lequel vivre ».” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Je continue dans ce rêve obscur et pénétrant, dont le secret réside peut-être dans les sonates pour piano de Beethoven, que j'écoute sur mon ipod pendant que se font sentir les effets du somnifère et qui m'influencent. Si je suis dans un avion.
C'est une idée: si l'éclair qui m'aveugle n'a rien à voir avec la chute sur laquelle je comptais... Mais ce serait trop abstrait, comme une fable qui suivrait docilement des floraisons inversées.
Ce serait gelé, comme le petit scarabée dans les circuits du train d'atterrissage d'un avion à bord duquel je suis endormi, à une altitude présente de 10000 pieds, pour une température extérieure de -56°C, quelque part au-dessus du globe. Ou en train de tomber après l'explosion d'un réacteur touché par la foudre. Ou sous le tipi d'un chaman qui me soigne les dérèglements d'un pouvoir qui me permet, non à ma guise mais de manière très concrète, de conjurer des objets réels à partir de mes images mentales. Ce pour quoi j'ai souvent besoin de me reposer.” (Antoine B.)

(Suite de l’histoire n°4bis) “En bon petit scarabée mu par le respect de ses aînés, Mireia ne souhaita pas même que le temps s'empresse de lui faire manger les pissenlits par la racine. Elle observait sa chevelure neigeuse. Ce vieux puit de science lui évoquait ces sages chinois qui semblent plus que centenaires. Elle croquait dans sa pomme, en écoutant d'une oreille, quand elle prit soudain conscience qu'un homme assis non loin derrière elle la dévorait des yeux. Elle eut alors une idée.” (Lilydaffodils)



(Suite de l’histoire n°5) “Margareth monta dans un vieux taxi vert et blanc connu pour leur manque de climatisation, un nuage de poussière derrière elle. Le vent chaud du désert s’engouffrait dans l’habitacle par la fenêtre entre-ouverte côté conducteur. Sur la route la ramenant à son appartement de Zamalek, elle laissa son regard se perdre dans les nuages moutonneux qui cachait le soleil d'hiver.
La vieille Peugeot quitta l'autoroute du centre par la bretelle ouest, de laquelle on pouvait apercevoir la carrière du Sporting Club, où deux équipes de polos s'affrontaient. C'était un lieu paisible et verdoyant, malgré la pollution et le tumulte environnant de la ville du Caire. Margareth se souvint d'une après-midi d'été qu'elle avait passé là-bas; elle avait retrouvé son amie Leigh pour déjeuner, la lumière des rayons du soleil se reflétait alors à la surface des fontaines en grès qui ponctuaient les chemins serpentant entre les arbres fruitiers; Leigh avait plongé la main dans son sac en toile, et en avait sorti une boite. En l'ouvrant, Margareth avait eu la surprise d'y découvrir la carapace d'un scarabée.” (Rose)

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