vendredi 17 février 2012

Episode 5



[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Des passagers trop émotifs étaient cueillis à l’estomac. Ils vomissaient de toutes les couleurs au fond des sacs pourvus à cet effet. L’avion se conformait à présent aux sinusoïdes d’une trajectoire stochastique. Franchement, ça devenait inquiétant. Une hôtesse fut aperçue la main sur la bouche ; elle avait effacé de sa figure son sourire de professionnelle. Sa peau se recouvrait d’un drap exsangue semblable à une lune fatiguée. Elle anticipait la sensation de son « chez-elle » parce qu’elle commençait à être assaillie par cet insurmontable scepticisme qui caractérise les gens qui travaillent dans les airs. L’avion était-il aussi en sécurité que la cabine des pilotes le prétendait depuis le début des hostilités ? Et comme elle se refaisait le défilé de certains épisodes mémorables de sa vie, force lui était de reconnaître qu’elle doutait des messages du commandant de bord. Elle voulait vieillir, donner la vie, mais elle ignorait que l’homme du siège sur lequel était appuyée son autre main, celle qui n’était pas sur ses lèvres, désirait pour sa part mourir. Pour lui c’était commode si l’avion n’arrivait pas à Phœnix. Mais pour elle c’était absurde. Et puis la scutigère rampait comme si de rien n’était, voilà qui était probablement le plus inquiétant. ” (Gregory Mion)



(Suite de l’histoire n°2) ”

- « À quelle heure décolle le prochain avion pour Nouméa s’il vous plaît ? »

- « À 21h15, madame, c’est un vol de nuit. »

- « C’est parfait, ce sera l’occasion de voir d’un peu plus près la lune et les étoiles ! »

- « Si vous le dîtes… vous souhaitez prendre un billet ? »

- « Oui, ce sera un aller simple s’il vous plaît. »

- « Et voilà madame, nous vous remercions d’avoir choisi Arc-en-ciel Voyages »

Une légère brise effleura son visage et sonna la fin de l’évasion onirique. Cécile eut peine à rouvrir les yeux et la première chose qu’elle entraperçu en reprenant progressivement connaissance fut le « L » en acier trempé qui parait l’entrée de La Hutte. Elle gisait étendue sur le pas de sa propre porte. Mais comment diable s’était-elle retrouvée là ? … La Clé ! Elle ne l’avait plus sur elle. À l’intérieur de sa poche, plus rien à l’exception d’un pétale de fleur. Et surtout, elle ne sentait plus sa main gauche ni ses jambes ! Elle tenta de se redresser mais n’y parvint pas du premier coup. Elle se traina alors jusque sur le perron de la maison et saisit une des nombreuses cannes de son grand-père qui décoraient l’entrée de La Hutte depuis plus d’un demi-siècle. Se hissant progressivement sur ses genoux, elle recommença peu à peu à sentir le sang irriguer ses membres. ” (Prisca)



(Suite de l’histoire n°3) “À chaque fois, Hestia se réveillait à côté de son lit, ses draps en vrac et son ours à la main. Elle restait ainsi longuement, allongée sur la moquette, pensive, les yeux fixés sur ses étoiles phosphorescentes collées au plafond. Hestia se disait alors qu’elle aimait les étoiles, la lune et les arcs en ciel, qu’elle aimait aussi Léane, sa grand-mère, disparue au cours d’un voyage. Dès qu’elle pensait à Léane, Hestia comprenait toute la douleur de Nodiesop et la ressentait.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “L'égocentrisme abstrait, c'est ce que je représente. Mais l'ego, c'est le monde. C'est ça qui fait la beauté du truc.
Lorsque l'avion aura fini sa chute, je serai sans doute mort. C'est donc dans mon intérêt qu'il ne se mette jamais à tomber. J'ai tout de même quelque pouvoir sur la chose. Mais il faut alors tout inverser: les lettres, la maison où je suis né, la direction de la fleur, de l'arc-en-ciel et de l'étoile filante, l'avion limite remonterait vers son altitude de croisière.
En conséquence: plus d'orthèse pour assurer mon cheminement. L'ambition d'attraper la lune.” (Antoine B.)

(Suite de l’histoire n°4bis) “Mireia se tourna vers son voisin et, profitant qu’il reprenait son souffle au milieu d’une tirade, glissa quelle devait aller dire quelque chose à un ami. Elle commença à se lever pour rejoindre l’inconnu qui lui souriait, prenant soin de s’extraire de son fauteuil avec élégance, quand le pilote décida d’annoncer leur arrivé prochaine et l’obligation de demeurer assis. Elle subit en souriant le discours du vieil homme, tandis que l’avion traversait un ciel bas, épais et noir. Une heure plus tard, elle fermait la porte de sa chambre, à l’hôtel Louxor. Elle s’allongea, encore habillée, et se mit à espérer que, pour une fois, quelque chose se passe lors de ce colloque. ” (Lilydaffodils)



(Suite de l’histoire n°5) “Une étoile filante traversa le ciel si clair des soirs de pleine lune; ou peut être était-ce un avion; Margareth fut prise d'un vertige, et sa vision se brouilla pendant quelques secondes. Elle s'appuya contre le mur, encore chaud, et leva les yeux. En regardant cette lune si pure, elle fut transportée dans l'oasis de Siwa, palmeraie luxuriante au milieu du désert brulant à la frontière libyenne, où elle avait passé son enfance. Toutes les nuits, les Siwis allumaient des lampes à huiles et en bordaient les chemins, les ombres des passants dansaient sur les murs, et l'odeur si particulière de pétrole brulé se mélangeait à celle des dattes trop mûres qui roulaient dans la poussière.
Margareth ouvrit la poche extérieure de sa valise Samsonite, et tâtonna à la recherche de ses clés...” (Rose)


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