mardi 14 février 2012

Episode 2


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Des turbulences maintenaient les passagers éveillés malgré l’heure tardive du vol. Ses idées suivaient la rythmique débraillée du ciel, elles pourrissaient comme des fruits et l’enfermaient dans une surenchère de pathétique, avec peut-être en ligne de mire une ouverture, une amélioration des conditions générales de sa vie – on verrait bien une fois au sol. Son voisin de gauche affichait un air de contentement insupportable ; il avait la gueule d’un piranha, la gueule carnassière d’un financier de Wall Street qui jette des ponts entre des abstractions. C’était un de ces hommes qui n’a pas besoin de prendre l’avion pour aller vite, mais qui en prend quand-même pour aller deux fois plus vite. Lui, à l’inverse, il était verrouillé dans la discrétion, une sorte de restriction de la personnalité à la fois typique du professeur de littérature et fondamentale chez un veuf à qui l’on a récemment communiqué la mort violente de sa femme” (Gregory Mion)



(Suite de l’histoire n°2) ”Il était 2h30 du matin quant elle s’éveilla à nouveau. C’était la cinquième fois cette nuit. Elle avait encore rêvé de faune et de fruits exotiques… de quoi lui égayer l’esprit un bref instant. Mais comme lors de chaque réveil depuis le drame, la réalité la rattrapa en un éclair. La clé. Que faire de la clé. Il fallait qu'elle trouve un endroit où la dissimuler. Jamais personne ne devait découvrir ce qu'il s'était passé. Elle bondit hors du lit, s'habilla en quatrième vitesse, et sortit de la hutte à toute allure. Elle traversa la rue et s’engouffra dans l’étroite rue du marché. Puis, elle emprunta le pont. Le pont. Celui-là même qui avait été le témoin de cette tragique nuit. Elle stoppa sa course un instant et ne pu s’empêcher de jeter un œil vers la rivière. Elle avait du mal à se souvenir de tout, certains détails demeuraient flous. ” (Prisca)



(Suite de l’histoire n°3) “Esteban 1er pour la petite histoire, était une tortue Cherokee, gardien des fleuves et père de Nodiesop, qui fut tué en mangeant une pomme empoisonnée par la foudre. En hommage à cette tortue sacrée, ce jour de deuil devint une fête galactique.

Mais ce jour plongeait surtout Nodiesop dans le désespoir le plus profond. Il se refusait d’offrir un éclair à qui que ce soit, fut-ce même à son abeille adorée, qui était malheureusement bien trop égocentrique pour comprendre ce qu’il ressentait.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Etait-ce une hallucination due à l'effet du somnifère sur mon cerveau, il faut l'admettre assez sensible aux opiacés, ou un véritable crash aérien? Etant donné les circonstances, c'est difficile à dire. Résumons.
Je suis dans un tipi. Mon troisième œil, l'œil du milieu, est inversé. Cela signifie que je vois certaines images à l'envers, certaines à l'endroit, d'autres obliques. C'est pour cela que le chaman me soigne à l'aide de concoctions délicieuses qui enfument l'espace clos du tipi: pour redonner à mon œil intérieur la capacité d'ordonner les éléments du monde. Sauf qu'il exagère un peu, mon chaman: on dirait que le traitement est pire que le mal! Je dois avoir aux lèvres un sourire béat, si j'en crois la bave qui me coule dans le cou par leurs deux coins, mais intérieurement c'est la panique: de nouveau un éclair, dirigé en plein vers moi!
Puis je tombe, comme la pomme d'Isaac Newton.
Je me sens comme un poisson dans un avion.
Le temps passe, le temps passe, demeure ma chute interminable.
Je n'ai pas la clé. Si j'avais la clé les choses seraient différentes. Mais je n'ai pas la clé.
Une tortue qui regarde le temps qu'il fait, ça me dit quelque chose, mais je sais que le temps est orageux, du moins autour de l'avion, à l'extérieur du tipi je ne sais pas. S'il pleuvait je crois que je l'entendrais.
Mais je n'entends rien. Ce qui veut dire que quelqu'un est en train de ne rien dire. Mais je ne sais pas encore qui c'est.” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°4bis) “L'orage passé, Mireia reprenait ses esprits, comme on s'habitue lentement à la lumière au sortir d'un abri obscur. Elle sortit la pomme qu'elle avait dans son sac, pensa aux poissons tués par les pesticides, aux rivières polluées et à ce que les résidus sur la peau du fruit pouvaient avoir comme effets sur son organisme. Son voisin lui adressa la parole, d'une voix lente et essoufflée, comme s'il allait lui révéler un grand secret, s'il survivait jusqu'à la fin de sa phrase.” (Lilydaffodils)



(Suite de l’histoire n°5) “Comme dans un roman photo, un flashback dans une série américaine des années 80, elle se remémora leur conversation de ce jour là, Thomas lui avait alors jeté un regard lourd de sous-entendus, elle sentit son cœur; longtemps cadenassé par les sentiments qu'elle éprouvait à son égard; se décrocher dans sa poitrine et elle fut emporté dans un torrent de larmes.
Depuis qu'il avait coupé les ponts, Margaret ne s'était plus jamais sentie elle même.” (Rose)

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