jeudi 16 février 2012

Episode 4


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Les hublots subissaient le dard grassouillet des nez qui se collaient à eux et qui appartenaient aux visages les moins déconfits par l’aggravation des secousses ; ces curieux voulaient repérer dehors un indice d’accalmie quand d’autres se raidissaient sur leurs sièges. Rien de plus normal en somme, d’ailleurs le personnel de bord s’échangeait des rictus de connivence. Ne dormaient que les vieillards et les enfants, la morve pendante, la bave brillante, les mains sur le ventre. Notre suicidaire, après avoir balayé d’un œil de phare la société du vol American Airlines à destination de Phœnix, reprit son étude du cancrelat, ou du moins ce qu’il croyait être un cancrelat. L’insecte se traçait un itinéraire parmi les embûches de son univers réduit. Cette scutigère allait son train, protégée par la cuirasse de son exosquelette. Pas la peine de se voiler la face, il s’agissait sans contredit d’une scutigère. Mais quand une épouse est morte écrabouillée contre un arbre, le mari a bien le droit de confondre le cancrelat et la scutigère.” (Gregory Mion)



(Suite de l’histoire n°2) ”Le bourdonnement d’une abeille au creux de son oreille la soutira instantanément de ses pensées. Elle se remit à marcher à vive allure, il ne fallait pas perdre de vue l’objectif. Elle emprunta l’escalier qui était de l’autre côté du pont et rejoignit ainsi l’autre rive. Il fallait retrouver le bon buisson, et cela n’allait pas être chose aisée, d’autant qu’il faisait nuit noire. La lune était quasi inexistante, étrangement d’ailleurs... comme si elle avait, elle aussi, perdue son âme dans les ténèbres. Elle avait tout de même eu la judicieuse idée de prendre sa lampe de poche. Cécile était de ce genre de personnes qui gardent les idées claires y compris dans les circonstances les plus rudes, déterminées à atteindre ses objectifs quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte. Sa main gauche serrait ardemment la clé, tandis que ses yeux scrutaient le bord de la rive. Elle sentait la nausée lui monter à mesure qu’elle se rapprochait. À la fois excitée par l’idée de découvrir enfin ce qu’il se cachait dans la valisette qu’ils avaient planqué ce soir-là, et ravagée par la tristesse, le remord et la culpabilité, Cécile avait le sentiment qu’elle était plus proche que jamais d’appréhender l’essence même du mot schizophrène. Peu importe, elle en était là maintenant et il fallait qu’elle retrouve la valisette, qu’elle dissimule la clé et qu’elle prenne la poudre d’escampette ! Mais quand enfin elle reconnu l’arbuste en question, elle n’eut pas l’occasion de s’en approcher ni de même d’organiser sa pensée. Elle distingua des traces de pas entre les buissons et sentit une main se poser sur son épaule. Elle eu juste le temps d’apercevoir une silhouette massive et le masque blanc inexpressif qui ornait son visage avant de sombrer dans un profond sommeil.” (Prisca)



(Suite de l’histoire n°3) “Rideau… fin de l’histoire…
Jamais Hestia ne sut si l’abeille émue par ces paroles, aurait rejoint Nodiesop sur la cime de son arbre ou si elle se serait entêtée dans sa mascarade pour se délecter de son chagrin.
La cause ? L’angoisse qui monte, une main pressée contre sa bouche, le manque d’oxygène, une lumière intense, des bruits de pas au loin, la chute.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Quand une abeille meurt, elle va dans un monde merveilleux qu'on appelle le Paradis des Abeilles. Au Paradis des Abeilles, la petite abeille qui est morte au début de cette histoire sous les coups d'un équipage armé de magazines, quoique sa vie ait été brève entre le moment où elle avait été conjurée matériellement depuis le monde des idées, est quand même heureuse parce que sinon c'est trop triste.
Moi, je dors. Et c'est pour ça que rien ne se passe dans la réalité. Il faut que je me réveille. Mais le somnifère... Je suis bloqué. Ou alors je suis dans le tipi. Ça doit être ça. J'ai rêvé l'histoire de l'avion. C'est la faute au chaman. Peut-être qu'il me veut du mal. Il faut que je me réveille. Mais je suis bloqué dans l'avion. Qui sera bientôt en flammes au pied d'un arbre.
Je faisais des pieds et des mains pour jeter quelque lumière sur des formes de pensée étrangères à l'univers connu, ou en tout cas délimité jusqu'à présent parce que quand même c'est pas possible avec tous les mondes différents qu'il y a qu'on soit la seule forme de vie intelligente possible! Mais j'étais malheureux à cause de l'arbre.” (Antoine B.)

(Suite de l’histoire n°4bis) “Elle se rendait certes au Caire pour son travail, mais elle était lasse de sacrifier sa vie personnelle à cette autre partie d'elle, laissant en sommeil ses sens, la quête d'un épanouissemnt profond. La posture de l'arbre, au tai chi, était la seule exstase qui lui restât, ce qui l'inquiétait quelque peu. Il lui semblait qu'elle ne vivait pas vraiment sur la même planète que ses contemporains.” (Lilydaffodils)



(Suite de l’histoire n°5) “Le soleil s'était éteint, elle ferma les yeux, et passa la main dans sa nuque humide, la température était anormalement elevée pour un soir de janvier. Quand le taxi s'arrêta devant chez elle, au 21 de la rue Al Brazial, elle glissa dans ses sandales détachées et ouvrit la porte de la voiture.
Une brise lui caressa la joue et secoua doucement les feuilles du sycomore qui se trouvait à côté d'elle. On pouvait apercevoir une nuée d'insectes voler autour du lampadaire qui éclairait faiblement la grille de l'immeuble Abd-el-Mounir.” (Rose)

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