dimanche 1 avril 2012

Migration de ce blog

Chères lectrices, chers lecteurs,

Ce blog va être archivé. Mais l'expérience Neucfubes continue dans un nouveau blog, qui réunit toutes les équipes de joueurs. Nous vous donnons rendez-vous à l'adresse suivante:


"Persons attempting to find a motive in this narrative will be prosecuted; persons attempting to find a moral in it will be banished; persons attempting to find a plot in it will be shot."
Mark Twain

vendredi 9 mars 2012

Episode 20


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Dans le taxi, Calbert repensait à son action avortée de l’avion, lorsqu’il avait cru atteindre de son doigt inquisiteur les fesses de Carrie et que cette dernière avait confondu son initiative avec l’agression d’un insecte. Cela signifiait qu’il allait lui falloir agir manu dialectica, d’une main rationnelle pour ne pas dire d’une main euclidienne. Le théorème de l’érotisme était en chantier dans sa cervelle ornementée par la guirlande du deuil. Il se sentait comme un alambic qui distille du vice sous la nuit mal lunée de l’Arizona. En définitive, si l’on raccourcissait la distance entre le mot et la chose, on obtenait que le cul de Carrie était assimilable à un problème élémentaire de géométrie dans l’espace : comment calculer les aires les plus érogènes de ce postérieur ? Calbert, par malchance, incarnait la maladresse littéraire. Sa braise désirante s’en tenait aux idéologies des belles lettres, et pendant ce temps Carrie Stove regardait distraitement le monde de Phœnix qui défilait à sa fenêtre, obstrué seulement par une vitre où quelques volatiles avaient lâché de la fiente aviaire.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”Ils traversèrent le bâtiment l’un à côté de l’autre sans un mot. Cécile peinait à marcher et s’appuyait sur sa canne avec douleur. Les séquelles de l’agression combinée à la fébrilité qui s’intensifiait en elle lui ôtaient toute capacité à se déplacer librement. Marc ne disait rien mais, tout en continuant d’avancer, il prit sa main en signe de soutient. Il avait compris en la voyant ainsi que son instinct ne l’avait pas trompé : ce qu’elle allait lui dévoiler était grave.
Ils s’installèrent de part et d’autre du bureau et plusieurs minutes s’écoulèrent avant que Cécile n’entama son récit :
- « Cela s’est passé il y a quelques jours, une semaine environ, mais je ne saurais être plus précise car depuis j’ai perdu la notion du temps. Je crois que parfois j’ai dormi…mais quand j’étais éveillée j’avais l’impression de nager en plein cauchemar. Depuis, je ne distingue plus très bien mes songes de la réalité. Cette après-midi là, j’étais avec mon petit ami : Alexis. Nous avions décidé d’aller nous balader derrière la maison pour profiter du beau temps. Tout était parfait. Nous avions cueilli des fleurs dans le champ et pris quelques pommes dans le jardin de mon voisin avant de nous décider à rejoindre la rivière. Si seulement je pouvais revenir en arrière…je n’ai jamais souhaité ce qui est arrivé, Marc. »
Le visage de Marc s’était assombri. Il ressentait sa souffrance et aurait souhaité à cet instant pouvoir la consoler et lui assurer que tout allait s’arranger. Cécile continua dans un sanglot sourd :
- « La nuit commençait à tomber et nous marchions sur le bord de la rive lorsque nous avons aperçu une lumière intense qui scintillait au fond de l’eau. Nous avons d’abord beaucoup rit en imaginant toute sorte de choses insolites. Puis j’ai souhaité que l’on continue notre chemin mais Alexis a voulu savoir ce que c’était. Il retira ses chaussures et marcha dans l’eau jusqu’à ce qu’il n’ait plus pieds. Jamais nous n’aurions pensé que la rivière puisse être aussi profonde. »” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “Peu à peu des silhouettes noires déambulant. Tout autour des ruines encore fumantes. Des corps à terre, les bras des survivants sortant de sous les corps. Puis de nouveau l’obscurité et les flammes.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “L'endroit été paisible, avec la révolution encore battante dans les esprits, les touristes du monde entier avait déserté les hôtels luxueux et les attractions touristiques.
La piscine était au bord du Nil, et l'ont pouvait entendre le doux clapotement des vaguelettes créées par les bateaux sur le ponton.
Le serveur marcha vers elle, un plateau à la main et déposa le thé d'Hibiscus sur la table basse, avant de faire signer la note à Margareth.” (Rose)

Episode 19


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Quand elle revint s’attabler, au lieu de dire un mot circonstancié à son commensal, Carrie absorba un morceau de rouleau de printemps. Le crachat de Calbert avait participé de la saveur aigre-douce de l’assiette ; Carrie n’y voyait cependant nulle modification radicale de son goût, c’était ni plus ni moins qu’un repas asiatique supplémentaire dans sa vie, une de ces préparations culinaires qui se liquéfient dans les intestins et qui peuvent engendrer un dérangement sérieux à la selle. Au téléphone, tout à l’heure, c’était James, un type paumé de Somerville (banlieue de Boston) avec qui elle partageait sa couche depuis presque une année. Elle l’aimait au point de se sentir soulagée lorsqu’il l’appelait à la descente de l’avion, toutefois elle ne l’aimait pas suffisamment pour se sentir heureuse quand elle revenait dans le Massachusetts. James était un amant par défaut, un intérimaire de sa vie sentimentale. Il lui fournissait du réconfort, du cerveau disponible, et de temps en temps un orgasme. De plus, James s’ajustait à ses horaires et c’était mieux pour lui étant donné sa profession d’assisté social. Enfin, bref, c’était tout de même un agrément d’entendre une voix complice à l’autre bout du pays, surtout les nuits où l’on doit s’empiffrer de « spring rolls ». D’ailleurs, elle ne termina pas son assiette. Les mots qui firent l’objet d’une reprise de la conversation concernèrent son déclin d’appétit. On eût dit que Calbert avait patienté exprès. Elle déclara : « Bon allez, c’est l’heure du motel. » ; « Du motel ? » ; « Ouais. » ; « Ne me dites pas que vous seriez par hasard à la bicoque de Van Buren Street ? » Carrie fut décontenancée de la coïncidence, ébaubie comme un mouton qui passe de la tonte à l’équarrissage. « Ah… Alors faisons route ensemble, j’y suis aussi. » Calbert posa de l’offuscation sur son visage, arrondit ses lèvres, plissa son front luisant de sébum ; il refaisait passablement l’expression d’une surprise. Le motel n’était pas très loin du Chinois mais ils optèrent pour un taxi. Il la laissa monter d’abord, histoire de recadrer l’esthétique tuméfaction de ce rond fessier fabuleux.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”
La nuit était tombante et Cécile épuisée, vaincue par la fatalité. Elle n’avait plus la force de lutter. Des milliards d’interrogations tourbillonnaient dans sa tête, et les néons de la pièce dansaient dans ses rétines et réduisaient sa vue à la taille d’un trou de serrure. La perspective de pouvoir partir très loin de tout ça très bientôt était en train de s’envoler. Elle savait que lorsqu’elle aurait tout dit à Marc, son destin serait scellé. Adieu faunes et flores tropicales, l’heure était aux aveux.
Elle se releva à l’aide de la canne de son grand-père qu’elle avait gardé avec elle depuis le début de l’après-midi et se dirigea vers la porte :
- « Allons dans votre bureau, Marc, je vais tout vous raconter ».” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “Comme son ami Hestia avait été éprouvée par cette journée. La contrariété lui avait ôté tout appétit et comme Morphée, elle s’était enfouie sous sa couette. A bien y réfléchir tout ceci n’était pas bien grave et partait d’un sentiment ému qu’Hestia avait maladroitement caché par timidité.
Une fois les yeux clos, elle rêva de sa grand-mère et de leur promenade sur la plage, de la sensation que lui procurait le sable chaud sous ses pieds puis d’un coup l’obscurité et les flammes.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “idée? Non, c'est toujours l'incertitude. L'avion chutera peut-être. Un tantinet trop rêveur, le Narrateur aurait besoin d'aide pour arriver au scarabée. Et le cadenas attend que quelque chose le fasse revenir dans cette histoire.” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “elle resta allongée un moment, regardant les traces laissées par les avions dans le ciel. Un serveur vint la couper dans sa rêverie pour lui demander si elle voulait quelque chose, elle demanda un Karkadé frais, et le remercia.” (Rose)

Episode 18


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “L’appel de Carrie s’éternisait. Elle faisait les cent pas, répétait son histoire de piqûre, assurait qu’elle allait bientôt se rendre à un motel situé sur East Van Buren Street, à proximité du Papago Park et du club de golf éponyme. Calbert avait le sens de l’ouïe en alerte ; il s’efforçait d’entendre la conversation de Carrie à mesure que celle-ci augmentait le volume de sa voix. Il était chamboulé dans ses idées reçues car il s’attendait à ce qu’une femme dotée d’un physique agréable ne daignât dormir qu’entre deux couettes veloutées. Tout compte fait, il serait opportun de s’arranger pour que lui aussi se présentât au motel de Van Buren. Comment y parvenir ? Ma foi assez convenablement : Calbert s’empara de son téléphone, un modèle Samsung de pacotille en comparaison de celui de Carrie, prit le chemin des toilettes, s’enferma à double tour, et il se mit à consulter le réseau internet en concentrant son attention sur la rue Van Buren. Son téléphone, c’est vrai, respirait l’antiquité, mais il avait l’option internet. Quand il eut les coordonnées du motel, il appela pour affirmer qu’il n’allait pas tarder. À l’autre bout du fil, une voix qui devait sortir d’un double menton lui rétorqua qu’on n’attendait pas de « monsieur Robison pour ce soir ». Calbert affirmait que si, on l’attendait. L’employé de la réception consentit à le croire et il lui réserva pour la nuit la chambre 103, priant M. Robinson d’accepter ses excuses. Lorsqu’il raccrocha, il jubilait. Son opération avait duré tout au plus trois minutes. De retour dans la salle principale, il vit que Carrie parlait encore. Ainsi se prépara-t-il à mimer l’homme qui s’étonne d’une coïncidence.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”De l’autre côté du bâtiment, dans la petite aile médicale derrière le laboratoire, le Docteur Over préparait sa seringue tandis que Cécile cherchait des yeux dans toutes les directions possibles un objet, une idée susceptible de lui éviter la prise de sang. À cet instant précis et sans concession aucune, elle aurait absolument tout donné pour pouvoir se transformer en une petite abeille et s’échapper par la fenêtre entrouverte. Il prit son bras, l’entoura d’un élastique et tapota sur ces veines. Elle s’apprêtait à ouvrir la bouche pour dire quelque-chose – n’importe quoi pourvu qu’on ne lui fasse pas ce prélèvement – quand on frappa à la porte. Marc entra dans la pièce :
- « Bonjour Docteur, veuillez excuser mon intrusion mais avez-vous bientôt terminé ? Il faut que je pose quelques questions à Mademoiselle Cerbiloni. »
- « Mais bien-entendu, Lieutenant, nous en avons bientôt fini vous allez pouvoir la récupérer. Laissez-moi simplement… »
L’opportunité était trop belle, Cécile devait la saisir. Elle l’interrompit :
- « Oui Marc…Euh, je veux dire Lieutenant ? Qu’il y a-t-il ? »
- « Cécile, vous vous souvenez du téléphone portable que j’ai trouvé enterré avec un cadenas et une carte bleue près de l’arbre ? »
- « Oui »
- « Eh bien j’ai effectué une recherche et il se trouve qu’il est au même nom que la carte bleue. Mais ce n’est pas tout. Ce monsieur apparaît comme étant domicilié chez vous, Cécile. Précisément à l’adresse de La Hutte. Comment expliquez-vous cela ? Vous m’aviez pourtant assuré que vous ne connaissiez pas ce nom ».
Cécile était estomaquée. Et cette fois elle ne faisait pas semblant :
- « Marc, je vous assure que je ne sais absolument pas qui c’est ! Et personne d’autre que moi n’est domicilié à La Hutte ! Il faut me croire, je vous dis la vérité. »
Marc haussa le ton :
- « Mais comment vous croire, Cécile ? Vous ne me dites rien ! Vous êtes évasive, vous cherchez à détourner mon attention… J’ai l’impression que vous me menez en bateau depuis le début. Je ne suis pas un pantin ! Et cette affaire prend une tournure qui me déplaît fortement. Alors je vous demande de bien vouloir éclairer mes lanternes et de me dire enfin la vérité. Toute la vérité. »” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “Comme son ami Hestia avait été éprouvée par cette journée. La contrariété lui avait ôté tout appétit et comme Morphée, elle s’était enfouie sous sa couette. A bien y réfléchir tout ceci n’était pas bien grave et partait d’un sentiment ému qu’Hestia avait maladroitement caché par timidité.
Une fois les yeux clos, elle rêva de sa grand-mère et de leur promenade sur la plage, de la sensation que lui procurait le sable chaud sous ses pieds puis d’un coup l’obscurité et les flammes.” (Aimèphe)

(Suite de l’histoire n°4) “Le téléphone sonne toujours. Je n'en sais toujours rien. Le Narrateur persiste.
Les choses ne sont pas ce dont elles ont l'air. Comme la petite abeille qui lit la carte des déplacements de sa prochaine mission, il faut toujours déchiffrer quelque chose d'autre quand quelque chose se passe. Garder un œil sur l'énigme principale. Sans oublier d'où l'on vient. Espérer que quelque chose éclairera la voie.” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “Elle donna ses clés au jeune homme, le remercia, longea le bâtiment jusqu’à la porte vitrée, et entra. Elle aspira une bouffée d’air frais, un parfum fruité flottait dans l’air. Elle attrapa son téléphone dans sa poche et composa le numéro d’Arthur, mais l’appel demeura sans réponse.

Margareth monta au 2eme étage, passa devant le comptoir et salua la jeune femme qui y était assise. Elle alla ensuite dans les vestiaires pour femmes et en ressortit vêtue d’un maillot de bain une-pièce noir et d’un paréo jaune. Elle entra sur le "deck" (comme il l'appelait dans les hôtels chics, alors que ce n'était finalement qu'une terrasse qui entourait un point d'eau), et enleva ses sandales, le sol était chaud. Elle s’installa sur une chaise longue en dessous d’un des parasols au bord de l’eau et son téléphone sonna, c’était Arthur qui la prévenait qu’il serait en retard, comme à son habitude.” (Rose)

mardi 6 mars 2012

Episode 17


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Ces fleurs, sur votre bagage, c’est drôlement écologique dans le concept. Oh vous plaisantez ! Je ne suis pas une amie de la nature, c’est juste que je suis allée dans une boutique et que j’ai pris un truc en promotion. Dans le vol que j’ai fait aujourd’hui, j’ai dû écraser un affreux machin qui m’a piquée… C’est vous dire que la nature n’est pas un cheval de bataille pour moi ; je suis une fille des métropoles, j’habite Boston. Bon, d’accord, ne tournons pas inutilement autour du pot. J’étais moi aussi sur votre vol puisque je vous ai vue. Ah ? Vous étiez sur le Boston/Phœnix ? Exactement. Je descends en Arizona pour méditer. C’est une curieuse de façon de voir les choses, mais pourquoi pas. Il faut dire que le plus souvent les gens viennent dans le Sud pour jouer au golf puisque les terrains du Nord sont impraticables l’hiver. À propos, c’est quoi votre nom ? On parle depuis tout à l’heure et on ne sait même pas comment s’appeler. Moi, c’est Calbert, fils du grand arbre généalogique américain où poussent les Robinson. Il n’y a pas de honte à porter un nom plus ou moins courant. Moi je m’appelle Carrie Stove. Je suis la cadette d’une sororité assez traditionnelle, peu importe. Carrie Stove, ça sonne, ça me renvoie à une atmosphère, ne le prenez pas mal, un peu gothique, du genre de celle qu’on fréquente dans les textes d’Emily Brontë. Oh ! Eh bien, vous me donnez des raisons de croire que mes sœurs seraient intéressantes, mais bon, je ne sais pas vraiment de quoi vous me parlez. Ne vous tracassez pas. Nous sommes en vie, c’est l’essentiel ; nous avons surmonté les soubresauts de l’avion. Mon Dieu oui ! Je ne devrais pas vous le dire mais j’avais une peur bleue ! Même les hôtesses de l’air sont peureuses quand ça balance.

Elle allait poursuivre sa péroraison sur le sentiment du danger quand son cellulaire retentit d’une musique inconnue de Calbert. Elle ouvrit nerveusement l’une des fermetures Eclair de son bagage et sortit d’une petite poche fleurie un Smart-Phone qui braillait un refrain inintelligible. La voix de Carrie se fit onctueuse et intimiste. Elle dédaigna Calbert d’un geste qui se voulait attentionné puis elle s’éloigna vers un angle mort du restaurant. Ses rouleaux de printemps étaient à peine entamés. Bien que Calbert affectât de porter un jugement plutôt négatif sur l’intellect de Carrie, il ne se sentait pas moins jaloux de l’interlocuteur qui retenait actuellement son invitée – car il ne pouvait s’agir que d’un interlocuteur. Sans réfléchir, par vengeance, il s’approcha de l’assiette de Carrie, joua de sa langue sur l’intérieur de ses joues, et laissa tomber sur les rouleaux de printemps un crachat composite.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”Maxime entendit retentir les pas lourds de Marc traversant le couloir à toute vitesse. Il entrouvrit la porte et se trouva nez à nez avec lui :
- « Lieutenant ? Que se passe-t-il ? »
- « Maxime, je viens de penser à quelque-chose. Est-ce que vous avez déjà expédié les échantillons de fleurs et insectes à Marseille pour les examens approfondis ? »
- « Non, pas encore. Mais nous nous apprêtions à le faire, Lieutenant. »
- « Très bien, parfait ! Il faut que je rajoute quelque-chose dans les demandes de recherches. Où se trouve le formulaire ? »
Maxime pointa du doigt son propre bureau. Marc prit place dans son fauteuil, ouvrit le formulaire et cocha deux cases dans la rubrique « Demandes d’analyses annexes biochimiques ». Puis il reposa le formulaire et jeta un coup d’œil furtif vers Maxime qui comprit aussitôt qu’il fallait expédier le colis dans la minute.
De retour à son bureau, il enfila des gants en latex, attrapa le téléphone portable trouvé sur les lieux de l’enquête aux côtés du cadenas et de la carte bleue, et se mit à observer l’objet sous toutes ses coutures. Il prit notamment note du numéro de série de la carte SIM, mais ce dernier comportait des chiffres à moitié effacés. Il détermina donc plusieurs combinaisons possibles et lança une recherche sur son ordinateur. Son commissariat était relié depuis peu de temps à la base de données nationale des télécoms, et c’était une aubaine en l’occurrence. Car en règle générale, un petit commissariat de village comme le sien ne disposait que de très peu de moyens pour mener à bien les investigations. Ce gain de cause avait été le fruit d’une bataille acharnée, menée de main de maître par Marc et son collègue Jean, avec les autorités de la capitale. On leur avait longtemps répété que la mise en place d’un tel dispositif demandait un investissement monétaire beaucoup trop important par rapport à leurs besoins quotidiens. Mais Marc était d’un caractère qui ne s’avouait jamais vaincu et qui obtenait toujours ce qu’il voulait à force de persistance. Et cette victoire en était l’une des plus belles preuves.
Lorsque la recherche fut terminée, cinq noms de propriétaires potentiels apparurent sur son écran. L’un d’entre eux était domicilié à La Hutte.” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “Hestia avait été émue aussi d’apprendre que son ami veillait autant sur elle. Elle n’avait pas voulu le laisser transparaître et sa gratitude s’était, par gêne, transformée en un regard interrogateur et méfiant. Il lui fallait s’excuser maintenant.
Ce regard avait transpercé le cœur de Morphée. Il se jura qu’il ne lui adresserait plus la parole, jamais. « Quelle peste ! avait-il pensé. Tout ça, pour une histoire de tortue sanguinaire et de poisson naïf ! Pff …. je suis encore plus naïf que lui ! Entre son abeille et la punaise qui me sert d’amie…. Argh ! ».” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Le Narrateur s'empare de son téléphone portable, compose un numéro et attend. On reconnaît à son sourcil froncé et à ses lèvres qui remuent qu'il a une question importante à poser à son interlocuteur.
S'agit-il de la direction à suivre? Soupçonne-t-il qu'elle mène au néant plutôt qu'au scarabée? S'agissait-il vraiment d'une fleur à butiner ou était-ce une métaphore? Son troisième œil le démange-t-il? Suis-je en train de faire le tour du tipi et m'observe-t-il? Pense-t-il à une chute inévitable et prochaine (j'éspère que non)?
Pendant que le Narrateur compte les sonneries, je ne me rends compte de rien, car j'avais mis mon téléphone en mode silence avant de faire ma sieste. Il faudrait d'ailleurs que je pense à l'éteindre complètement avant l'atterrissange.” (Antoine B.)



(Suite de l’histoire n°5) “Elle raccrocha et démarra sa voiture. Il faisait un temps magnifique, mais une chaleur étouffante. Les arbres étaient tous jaunis par le manque d’hydratation et l’ont pouvait voir la nappe de pollution qui surplombait la ville à l’horizon.
Elle roula plusieurs minutes puis une fois à l’entrée du Sofitel, sonna et un voiturier accourut pour s ‘occuper de sa voiture. Elle s’était toujours plus ou moins sentit mal à l’aise dans ces moments, n’étant pas habituée par sa vie française à être assistée tout le temps.” (Rose)

lundi 5 mars 2012

Episode 16

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Calbert fut le seul client de ce fast-food trompe-l’œil avant que Carrie Stove n’entrât à son tour, succédée par une valise moins âgée dont les motifs prêtaient à rire. Les poches latérales du bagage arboraient des fleurs et les parois structurantes étaient flanquées d’arbres aux épais feuillages. Contrairement à Calbert, la jeune femme s’était rendue ici en toute objectivité. Elle devait y avoir ses habitudes d’itinérante, son serveur attitré, et même, peut-être, sa viande de prédilection. Son l’une de ses semelles, Carrie amenait des reliques de scutigère. C’était pardonnable car l’hôtesse s’annonçait comme l’assaisonnement qui manquait au repas du professeur Robinson. Il déglutit une mousse de riz que la mastication avait décomposée, incapable de reprendre une bouchée à cause de l’étonnement graduel que lui causait la vue de Carrie Stove. Elle, bien sûr, n’avait pas souvenance de ce passager, toutefois elle avait noté au premier coup d’œil la présence de ce mangeur solitaire. Elle fut prompte à commander ses rouleaux de printemps, son riz nature et le Red Bull dégazé importé du Vietnam. Après avoir échangé des banalités avec l’énorme caissière, elle pensa qu’il serait judicieux, ne fût-ce que par politesse, de demander au monsieur Noir si sa compagnie le gênerait dans le protocole de sa sustentation. Il l’accueillit à sa table comme la ruche réceptionne l’abeille maîtresse.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”Marc décrocha le combiné du téléphone interne et rappela Maxime. Ce dernier rappliqua aussitôt :

- "Oui Lieutenant ?"

- "Dites moi Maxime, avez-vous une idée d'où peut provenir le plâtre retrouver dans La Hutte ?"

- "La Hutte ?"

- "Oui la maison de mademoiselle Cerbiloni, c'est son nom. Vous savez, la vielle maison en pierre qui se trouve à l'entrée du village."

- "Ah oui, je vois, celle qui avait été construite par l'ancien maire ?"

- "Celle-là même. Ce monsieur était le grand-père de Cécile"

- "Cécile ?"

- "Oui, mademoiselle Cerbiloni ! Enfin bref...est-ce que vous connaissez un endroit dans le village où l'on utilise du plâtre ?"

- "Euh...non, je ne vois pas. Désolé Lieutenant. En revanche, nous avons les résultats d'analyses des insectes, fleurs et feuillages recueillis près des traces de feu."

- "Ah ! Eh bien ? Que nous disent ces analyses ?"

- "Elle mettent en évidence des produits hautement inflammables."

- "Quels genres de produits ?"

- "Nous ne savons pas encore, mais nous y travaillons, Lieutenant."

- "Très bien Maxime, merci. Allez-y, je ne vous retiens pas plus longtemps, tâchez de me ramener des informations précises au plus vite."

Maxime quitta la pièce à vive allure. Marc referma la porte lui-même et esquissa un sourire. Ces résultats confirmaient une fois de plus ses premières intuitions. Un feu volontaire à base de produits toxiques avait été allumé juste à côté de l'endroit où Cécile avait été agressée. Il n'y avait pas de coïncidences possibles. Pas à cet endroit où d'ordinaire personne ne se rend.

Marc allait se rasseoir à son bureau pour continuer l'examen minutieux des objets trouvés sous terre près de l'arbre quand il eu un flash. Il se précipita hors de son bureau et prit la direction du laboratoire.” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “Il en fit part à Hestia, ce qui la laissa pensive. Jamais, une quelconque anecdote sur Esteban 1er n’avait été évoquée dans ses rêves. La seule chose qu’elle savait c’était que Nodesiop était très affecté par la disparition de son père au point de s’isoler le jour de cet anniversaire funèbre et d’en oublier son abeille adorée. ” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “En se réveillant dans sa chambre d'hôtel, le Narrateur se sent mieux. Moi, ça me fait plaisir, vu qu'il dirige mon existence, je préfère qu'il soit de bonne humeur. Peut-être après tout échapperai-je à l'arbre en flammes. Peut-être suis-je sorti du tipi et en train de me promener en suivant les directions qui me sont indiquées. Je garde espoir.
Le Narrateur, quant à lui, décide de commencer par le scarabée. Il s'occupera du cadenas plus tard. Comme une abeille qui a repéré de belles fleurs à butiner, sa trajectoire apparemment aléatoire indique à qui sait la lire la direction à suivre pour le rejoindre. Ça veut dire quelque chose, c'est juste qu'on ne sait pas quoi pour l'instant. ” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “Elle travaillait périodiquement comme journaliste pour un magazine égyptien, ce qui lui permettait de vaquer à ses occupations. Margareth avait toujours eu beaucoup d'amis, et elle partageait son temps entre ses activités sociales et personnelles.

Ce jour-là, elle avait envie de lézarder au soleil. Elle prit une douche tiède, s'habilla d'un pantalon de lin beige et d'un tee shirt blanc et elle attrapa son sac. Elle descendit dans la rue et monta dans sa Volvo garée quelques mètres plus loin, et appela son ami Arthur, lui proposant de se retrouver à la piscine du Sofitel à l'autre bout de l'ile.” (Rose)

samedi 3 mars 2012

Page 3 (Rose)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte de Rose]


Elle prit une casserole, y fit couler de l'eau et la posa sur le feu. Elle resta un moment immobile, observant les flammes, puis sortit une tasse du placard, le pot de café lyophilisé et une cuillère. Après s'être servie, elle retourna dans le salon. Dans la lumière rasante du soleil matinal, on pouvait voir les moutons de poussières qui suivaient les pas de Margaret sur le parquet.
Le téléphone sonna, Margaret décocha et écouta, il semblait n'y avoir personne au bout du fil.
- Allo? fit-elle
Elle attendit quelques secondes puis raccrocha. Elle regarda par la fenêtre, une colonie de fourmis serpentait sur la terrasse. Elle s'enfonça un peu plus dans le canapé et attrapa la lettre dans sa poche droite.
Margareth regarda à droite, puis à gauche, comme pour vérifier si quelqu’un l’observait, elle se leva, enfonça la clé dans la serrure de la porte d’entrée et ferma la porte à double tour, puis elle retourna s’asseoir, ouvrit l’enveloppe et en sortit une feuille blanche, qu'elle déplia et commença à lire. Plus ses yeux parcouraient les lignes, plus son visage changeait, un rictus déforma sa bouche et elle jeta la lettre sur la table basse.
Margareth habitait depuis quelques années en Egypte, elle en était tombée amoureuse dès qu’elle avait posé le pied sur le tarmac brulant en sortant de l’avion un matin d’été.
Elle était revenue avec ses parents plusieurs fois ensuite ; son oncle y était ambassadeur à l’époque, et ils allaient souvent les retrouver, lui et sa femme. Margareth avait alors rencontré leurs amis, des artistes, géologues, voyageurs, et aristocrates; et avaient passé de longues soirées fiévreuses à refaire le monde, grisés par le champagne.
Elle était venue s’installer au Caire l’année de ses 25 ans, après deux années de travail bureaucratique infructueux passées à Paris, Margareth s’était alors dit que « c’était le moment où jamais » , avait rangé ses affaires dans des boites en carton et s’était envolée vers la chaleur fiévreuse du désert. Elle avait été accueillie par des amis de son oncle, dans leur appartement d’Héliopolis, mais trop éloignée du centre à son goût, avait décidée de s’installer sur l’île luxuriante de Gezira.




(à suivre)

Rose

Page 3 (Aimèphe)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte d'Aimèphe]

Sur le chemin de l’école, elle y pensait souvent, ce qui avait l’avantage de calmer son anxiété, elle n’aimait pas l’école. Elle y pensait aussi pendant les cours, ce qui amenait son institutrice à la réprimander sévèrement pour ses rêvasseries. Elle finissait par être à la traîne et ne pas suivre le troupeau. Tout ce que demandait Hestia c’était simplement d’y voir plus clair.

Elle en avait même parlé à son meilleur ami Morphée et lui avait fait promettre de garder le secret. Mais Morphée avait bien du mal à comprendre son histoire à dormir debout comme il disait, et surtout s’étonnait vivement qu’un poisson avec un prénom aussi stupide amoureux d’une abeille puisse avoir autant d’importance pour Hestia. Son empathie et son adoration l’ayant emporté, Morphée s’était pris au jeu de l’énigme qui tourmentait Hestia.

Un jour, une idée plutôt lumineuse lui était venue à l’esprit… S’il arrivait à pénétrer l’univers étrange d’Hestia, peut-être trouverait-il la clef du mystère.
C’est ainsi, que nuit après nuit, Morphée tentait de rêver de Nodiesop et de son abeille. Les premières tentatives ne furent pas convaincantes. Le poisson tombait toujours de l’arbre emportant l’abeille dans sa chute et finissait écrasé par une patte de lapin bleue géante qui sortait du néant. Malgré la tournure désastreuse que prenait l’histoire, Morphée ne s’avouait pas vaincu par cette fatalité et persistait chaque nuit à reprendre le cours du rêve d’Hestia dans la bonne direction, évitant de croiser tout lapin susceptible de perpétrer un assassinat odieux contre un poisson innocent.

Vint ensuite le temps où le poisson imaginé par Morphée restait perché sur la cime de l’arbre – c’était déjà ça de gagner – mais refusait catégoriquement de tomber amoureux de l’abeille. L’obsession de ce poisson était de devenir magicien, ce qui n’arrangeait absolument pas le petit garçon car chaque fois que l’avatar de Nodiesop croisait l’abeille il la faisait disparaître, avec une flèche magique, cadeau de son père, la tortue cherokee. Morphée était à des lieux du dernier chapitre du rêve inachevé d'Hestia mais ne désespérait toujours pas de l’aider pour percer à jour le mystère. Et pour tout dire, cela le ravissait au plus haut point, il s’était pris au jeu et même d’amitié pour le poisson et puis… sa quête le rapprochait d’Hestia.

« Sans vous je ne suis qu’un ver qui cherche le fruit dans lequel vivre », bien qu’il trouvât la tournure empreinte de mièvrerie, Morphée n’était pas indifférent aux sentiments qu’elle exprimait peut-être parce qu’il était lui aussi un peu amoureux…
Une nuit, chose étrange, il ne rêva pas de Nodiesop mais de son père Esteban 1er, la tortue cherokee. Dans son rêve ou plutôt son cauchemar, le silence régnait, Esteban 1er à dos de girafe décapitait par centaine des lampadaires, ce qui plongeait le champ de bataille dans une obscurité profonde. A son réveil, Morphée était terrifié par toute cette cruauté.


(à suivre)

Aimèphe

Page 3 (Prisca)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte de Prisca]

- "Marc, vous pensez que les hommes qui se sont introduis chez moi sont du village ?"

Marc releva les yeux.

- "Oui c'est tout à fait probable. Et je dirai même, au regard des traces de pas qui indiquent qu'ils savaient parfaitement se diriger au sein de votre maison, qu'ils connaissaient les lieux. Mais peut-être ne m'avez-vous pas attendu pour établir ce constat..."

Le parachute de secours de Cécile avait fonctionné, elle avait détourné l'attention de Marc des traces du bûcher. Mais elle avait susciter à nouveau sa suspicion. Son visage laissait parfaitement transparaître son malaise, elle n'avait jamais vraiment su mentir, encore moins face à un représentant de la justice. Mais il fallait impérativement qu'elle renforce sa carapace, l'heure n'était pas aux aveux, bien au contraire.

Elle cherchait une nouvelle idée pour se sortir de cette mauvaise passe quand elle aperçu quelque-chose briller quelques mètres plus loin. Elle s'avança avec hâte :

- "Marc, regardez, c'est ma lampe de poche !"

- "Ne la touchez pas !"

Marc enfila des gants et ramassa l'objet :

- "Vous portiez un pull en laine quand vous vous êtes faite agressée ?"

- "Non pourquoi ?"

- "Parce-qu'il y a des fibres coincées dans l'interrupteur, et cela ressemble à de la laine. Il va falloir que nous la fassions analyser également, on va peut-être pourvoir obtenir de précieuses informations."
Marc rangea la lampe dans un petit sac plastique qu’il enfourna dans la poche intérieure de sa veste. Il prit également le temps, au grand désespoir de Cécile, de prélever un peu de terre, d’eau et de cendres là où gisaient les traces de feu et les poissons morts en bordure de rivière. Il y avait également des nuées d’insectes qui stagnaient juste au-dessus, ce qui suscita encore un peu plus la curiosité de Marc. À ce moment précis, elle su que les heures étaient comptées avant qu’il ne découvre qu’il s’était passé quelque-chose de terrible à cet endroit. Il allait falloir la jouer très finement et ce n’était pas gagné étant donné son état de fatigue grandissant.

Ils continuèrent à longer la rive jusqu’à ce que Cécile indique l’endroit précis où avait eu lieu son agression. Marc prit un air encore plus grave qu’auparavant et se mit à fouiner consciencieusement de tous les côtés à la recherche d’indices, si minimes soient-il. Cécile fit mine d’en faire autant mais cherchait en réalité la valisette. Évidemment, elle n’était plus dans sa cachette sous l’arbuste. Ce qui voulait dire que le mystérieux homme masqué était en possession de la valisette et de la clé. Cécile se rendait compte que tout cela commençait à la dépasser complètement. Elle pensait être la seule à connaître l’existence de cette mallette mais elle était visiblement loin de maîtriser tous les tenants et les aboutissants de cette histoire.

Marc interrompit son intense réflexion :

- « Regardez ! »

Il tenait un petit sac en feutre rouge dans sa main droite

- « Qu’est-ce que c’est ? » Cécile était pour une fois réellement surprise de la trouvaille de Marc.

- « Je ne sais pas, je viens de le trouver en creusant un peu au pied de l’arbre »

Marc ouvrit le sac avec précaution et découvrit à l’intérieur un téléphone portable, une carte bleue au nom de M. Axel Merandi, et un cadenas. Ils restèrent tous deux perplexes durant quelques minutes. Marc finit par rompre le silence :

- « Vous connaissez ce monsieur Merandi ? »

- « Absolument pas »

Marc se releva et invita Cécile à en faire autant :

- « Il est temps que je retourne au commissariat pour étudier tout cela et que vous vous rendiez à l’examen médical, Cécile. Cette histoire ne me dit rien qui vaille et bien que vous ayez refusé la visite du médecin tout à l’heure, je préfère qu’il vous examine malgré tout. Vous avez quand même reçu un coup violent derrière la tête, nous ne pouvons pas nous permettre de vous laisser rentrer chez vous sans avis médical ».

Cécile ne discuta pas les consignes de Marc et se mit en direction de la voiture à ses côtés.
De retour au commissariat, Marc rejoignit le labo et Cécile fut invitée à patienter dans le corridor. Outre le fait qu’elle était rongée par l’anxiété suite aux diverses découvertes de Marc, elle était par ailleurs très inquiète de devoir subir les examens médicaux de rigueur. Il était impératif qu’elle évite la prise de sang. Il allait déjà être fort difficile de conserver le semblant de l’innocence compte tenu des éléments que Marc avait recueilli au cours de l’enquête, cela deviendrait à coup sûr impossible s’il venait à découvrir les traces d’empoisonnement dans son organisme. Les mains croisées dans le dos, elle faisait les cents pas dans toutes les directions possibles.

Marc avait déjà commencé à ausculter les indices recueillis sur les lieux. Il avait remis les fibres de laine et les échantillons de feuillages et de cendres aux laborantins et s’attelait à étudier de son côté les éléments trouvés dans le sac en feutre rouge. Il commença par le cadenas et observa à la loupe et au néon la serrure. Il était évident que celle-ci avait été forcée. Et Marc fut satisfait de découvrir cela. Une petite idée de scenario avait déjà commencé à germer dans son esprit.
Il se demandait néanmoins où pouvait bien se trouver la clé qui permettait d’ouvrir ce cadenas. Encore une question à laquelle il ne serait pas en mesure d’avoir une réponse facilement, songea-t-il. Mais résoudre une affaire, quelle qu’elle soit, n’était jamais tâche aisée et prenait souvent beaucoup de temps. Marc le savait et il avait signé pour ça. Il faisait partie de cette jeune élite qui monte dans la police et qui a la rage de vaincre au ventre, quels que soient les enquêtes et les protagonistes.

La porte de son bureau s’entrouvrit, un des jeunes chimistes du laboratoire se tenait dans l’entrebâillement :

- « Oui Maxime ? » fit Marc,

- « Lieutenant Tilmann, c’était pour vous dire que nous avions analysé la substance recueilli sur les traces de pas que vous avez trouvez au domicile de Melle Cerbiloni »

- « Et ? »

- « C’est du plâtre, Lieutenant »

Le visage de Marc s’assombri :

- « Je vous remercie Maxime. Revenez me donner les résultats suivants dès que vous les aurez »

Maxime referma la porte aussitôt, laissant Marc en pleine réflexion. Qu’est-ce que du plâtre venait faire au milieu de tout ça ? Il n’y en avait pas chez Cécile, ni aux alentours, ni même près du pont et de la rivière. Cette histoire commençait à partir dans tous les sens, et cela inquiétait Marc car même s’il n’en avait pas encore la preuve, il avait la conviction que cette affaire allait se révéler beaucoup plus grave qu’elle n’y paraissait. Sans compter qu’il savait que Cécile lui avait menti sur bien des points, il n’était point nécessaire d’avoir fait 5 ans d’école de police pour le deviner.

Cécile quant à elle aurait souhaité à ce moment précis pouvoir se télé-transporter d’un coup de baguette magique dans un avion, destination Nouméa ! Une fois de plus, sa seule échappatoire était de rêver à ce jour où elle pourrait enfin tout quitter sans se retourner. Ceci-dit, il était encore temps de s’enfuir dès à présent et d’échapper à cette enquête menée de main de maître par Marc... Elle n’eut pas le temps de considérer cette pensée, le médecin fit son entrée dans le corridor. Trop tard, les dés sont jetés, se dit-elle tout bas.
- « Vous êtes Mademoiselle Cerbiloni ? »
- « Elle-même. Bonjour Docteur. »
- « Bonjour, enchanté, Docteur Over. Veuillez me suivre s’il vous plaît. Ne soyez pas inquiète, tout va bien se passer, c’est une simple formalité, un contrôle de routine. Il n’y a rien de douloureux ni de désagréable, n’ayez crainte. »
Cécile suivit le Docteur Over – quel nom… se dit-elle. Était-ce un signe ? En tous cas, ça y ressemblait fort. De quoi la déstabiliser un peu plus encore. La carapace qu’elle s’était échinée à se forger ces derniers jours était en train de se fissurer de tous les côtés. Combien de temps allait-elle encore pourvoir tenir…
Pendant que le médecin l’auscultait elle passa en revue dans sa tête l’ensemble des épisodes. De la ballade avec Alexis à travers champs, juste avant le drame, lorsque ses seules angoisses se résumaient à ne pas se faire pincer par le voisin au moment où ils volèrent quelques pommes dans son jardin ; à l’homme masqué qui se trouvait sur les lieux, à peine deux jours plus tard, et qui s’était emparé de la mallette ; jusqu’aux traces de pas retrouvées à La Hutte. Les gens qui étaient venus visiter sa maison étaient-ils connectés à celui qui l’avait assommée ? Il y avait peu de chance pour que ce ne soit pas le cas. Un malheureux concours de circonstances semblait improbable. Ou bien peut-être était-ce un groupe de tierces personnes en quête de la même chose… Cherchaient-ils également la mallette ? Tout semblait tourner autour d’elle. Malheureusement, Cécile n’avait aucune idée de ce qui pouvait se trouver à l’intérieur.
Le docteur Over, quant à lui, était en train de compter le nombre de tubes qu’il allait devoir remplir avec le sang de Cécile.



(à suivre)

Prisca

Page 3 (Gregory Mion)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte de Gregory Mion]

À presque minuit heure locale, le vol American Airlines 386 atterrit sans choc majeur à l’aéroport international Sky Harbor de Phœnix, sur la piste illuminée de spots. Les passagers s’enquirent de leurs bagages à main surchargés, les uns parlant d’aller immédiatement à Scottsdale, les autres à Chandler, et d’autres encore à Glendale, c’est-à-dire des zones urbaines périphériques qui entourent le « downtown » de Phœnix. Calbert ne se pressa pas pour rejoindre les sorties disponibles de l’avion. Il marchait dans les pas du financier, qui ne s’était pas précipité non plus. Il était déçu que l’hôtesse à la croupe pittoresque ne fût pas des équipes désignées pour faire sortir les voyageurs – elle devait ranger les plateaux repas à l’arrière, vidant les nourritures non consommées en actionnant le broyeur de déchets. Calbert risqua un regard vers cette partie de l’avion. Une lumière s’échappait au bas d’un rideau tiré des deux côtés où l’on pouvait accéder à cette pièce à vivre du personnel de bord. Une ombre était effectivement en train de s’agiter derrière ce rideau, ce qui accréditait sa thèse. Calbert Robinson se figea un moment, le visage défait par le voyage et l’étalement de son deuil, puis il se retourna, porta son œil sur le pantalon Emporio Armani du piranha et passa indifféremment devant deux hôtesses grassouillettes qui le gratifièrent des commodités linguistiques relatives à ces situations d’aéroport. Il ressentit tout de suite l’air alourdi du Sud.
Il n’avait apporté qu’une valise dont les roues faisaient un horrible grincement. Ce n’était pas exactement le standing attendu pour errer à Phœnix. Le piranha, tout au contraire, jouissait d’une panoplie conforme aux intuitions qu’on pouvait se faire de lui. Devant le tapis roulant des bagages, il avait attendu son assortiment de sacs Lancel, sorti son téléphone portable, composé des numéros, parlé de ventes et promis de rappeler dès qu’il aurait entreposé ses affaires à l’hôtel – son téléphone, à la fin, grésillait d’une voix féminine, sûrement sa femme, vivante et en bonne santé. Calbert n’avait de son côté aucune réservation, aucune planification ; il était là moins par volonté que par impulsivité. En l’état, il était éligible pour passer une nuit à la belle étoile. À peine fut-il sur la modeste esplanade qui marquait l’entrée de l’aéroport qu’il se fit bercer par des haut-parleurs d’ambiance. Des moucherons s’agglutinaient vers les artifices de l’éclairage public. Les taxis étaient peu nombreux à cette heure-ci et les rares chauffeurs éveillés n’avaient pas l’air de vouloir le calculer (qu’il fût Noir était par ailleurs purement anecdotique en cet endroit de l’Amérique). Calbert entendit soudainement le bruit d’une fermeture automatique ; c’était le taxi qui venait d’embarquer le piranha, prêt à le conduire à son hôtel, à son emploi du temps millimétré. À travers la vitre, l’homme parut lui adresser un haussement de sourcil complice. Il s’était certainement cru obligé de faire un signe de reconnaissance à un passager qui aurait pu mourir avec lui si l’avion n’avait pas résisté aux turbulences. Calbert Robinson ne voyait pas d’autre explication à ce degré zéro de la communication. Il pensa « Va te faire foutre », suivit les feux arrière du taxi se perpétrer dans la banalité de la 24ème rue, et il décida de ne pas gamberger sur le programme de sa nuit. Il prit la direction opposée à la 24ème rue et commença marcher à une vitesse qui tarabustait les roues vétustes de sa valise.
À l’angle de Washington Street et de la 44ème, il choisit le sens du Nord, un sourire inexplicable sur sa bouche lippue. C’était la contingence qui lui ouvrait la voie et cette idée ne lui déplaisait pas. Un 4x4 Dodge ralentit à sa hauteur, la vitre du côté passager en train de descendre. Une main gantée de blanc forma un poing duquel se mit à dépasser le doigt du milieu. De l’habitacle du Dodge, plongé dans la pénombre, des rires gras pouffèrent avant de céder la place à une insulte raciale. S’ensuivirent une accélération, un feu de clignotant ironique compte tenu de la morale des occupants, puis un virage mal négocié compensé par les roues motrices du véhicule. Calbert perdit son sourire buccal tout en préservant sa récente disposition à la bonne humeur. Il admonesta intérieurement ces petits cons de Républicains, leur souhaitant de se planter contre le premier arbre qui croiserait leur course folle. Sa joie mauvaise, qui n’était pas vraiment de la Schadenfreude, lui remémora le terrible accident de la semaine passée, et par contiguïté il se souvint aussi que le shérif Cathcart avait certifié que c’était un chêne qui avait eu raison du coupé Kia que sa femme appréciait tant. Janice l’avait acculé à l’évidence de la publicité que la télévision répétait en boucle et qu’ils avaient eux-mêmes reçue dans leur boîte aux lettres : puisque tout le monde voudrait son Kia entre Thanksgiving et Noël, alors elle irait acheter le sien. Janice n’avait pas traîné. Même pas une semaine après son faux caprice, elle avait montré le Kia rutilant à Calbert à son retour du lycée Thoreau, où il enseignait les lettres américaines. « Il te plaît ? » avait-elle susurré, à moitié gênée. « Je crois, oui » avait-il répondu, un ton insondable de reproche dans la voix. Il s’était demandé l’espace d’une nanoseconde si Janice était cinglée. Mais bon, après tout, c’était elle qui était à l’origine des vraies rentrées d’argent pour le ménage Robinson, comme c’était elle qui avait poussé Calbert à l’engrosser durant l’été dernier. On sait ce qu’il est arrivé ensuite : Janice s’est tuée. On a retrouvé un morceau du fœtus à plusieurs mètres du lieu de l’impact. Le shérif Cathcart n’a pas jugé pertinent de transmettre à Calbert ce détail.
Son attention se reporta sur son environnement direct. Une imposante enseigne publicitaire en forme de cube clignotait au-dessus d’un bâtiment qui refoulait une atroce odeur de bouffe. Des écritures chinoises remplissaient les faces du gros cube, jetant sur les pourtours des rayons psychédéliques. Calbert n’avait guère mangé dans l’avion, excepté la collation post-décollage où on lui avait servi en guise de café un jus de chaussettes accompagné d’un cookie emballé dans du plastique. Il aurait préféré les céréales pour gamins qui contiennent toujours des jouets magiques ou des figurines Marvel. Aussi, à l’heure actuelle, son estomac réclamait une réplétion. Tant pis pour la qualité sinusoïdale des spécialités asiatiques ; il avait si faim qu’il était capable d’improviser l’éloge d’un nem infléchi par quelque graisse végétale cancérigène. En trois enjambées, il fut devant la porte cochère du restaurant. Sur ses talons, sa valise paraissait imiter les gargouillements de son ventre.
Si la devanture du lieu avait une dignité de restaurant, l’intérieur était plus proche de la restauration rapide. Des dizaines de comptoirs étaient disséminés sans intention architecturale dans une salle d’environ cent mètres carrés. Chaque comptoir proposait des raffinements variés où dominaient quantité de pyramides de viande. Malgré l’heure avancée, un homme d’origine asiatique coiffé d’une toque blanche pointait à tous les comptoirs. On aurait dit des clones, voire des mannequins en carton censés faire illusion. Calbert alla vers le cuistot qui lui faisait directement face, sans réfléchir outre mesure aux pancartes qui surplombaient les comptoirs et sur lesquelles on pouvait lire des informations liées aux prix ainsi qu’à la nature des aliments. L’homme, caparaçonné de sa toque et voyant Calbert se rameuter, atteignit le maximum de largeur que sa bouche était en mesure de présenter par l’entremise d’un sourire. Il avait les dents parfois édentées, un bout de salade coincé quelque part, du tartre collé comme du mortier qu’on eût placardé d’une truelle négligente. Son cou allongé achevait de lui donner un vestige d’apparence reptilienne, mais comme il tenait une louche prête à servir, on se disait que c’était quand même encore un homme. Il salua Calbert d’une intonation saccadée, se courba légèrement, puis il attendit que le professeur fasse son choix. Ces bacs en inox qui débordaient de nourritures industrielles étaient rédhibitoires. L’un d’entre eux puait plus que les autres ; il envoyait une vapeur de viande faisandée qui pataugeait dans un marécage de sauce rouge. Calbert réprima un haut-le-cœur et se détourna de cette vision émétique. Il se rabattit sur la valeur paradigmatique d’un riz cantonnais dont les cubes de jambon étaient fluorescents, au même titre, du reste, que les copeaux d’œufs brouillés. Quel que fût le dégoût que sa tête promouvait, il ne perturba pas le cuistot qui en profita pour affermir de nouveau son sourire. La louche arracha du monticule de riz une portion qui fut déposée dans un bol gravé d’idéogrammes noirs. Comprenant que le riz suffirait à la peine de son client, un geste du serveur montra à Calbert l’endroit où il fallait aller payer ; c’était une caisse sombre en fond de salle, occupée par une jeunette obèse qui piquait d’un cure-dent des chips à la crevette. Il lui en coûta cinq dollars. Pour du merdique, ce n’était pas donné.


(à suivre)

Gregory Mion

Page 3 (Antoine B.)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte d'Antoine B.]


Car je ne suis pas le narrateur de cette histoire. Mes rêves s'insèrent dans les interstices du réel, mais je n'ai pas le pouvoir de la narration - d'où ma difficulté à faire avancer ce récit par la moindre action décisive.
Le Narrateur, lui, était assis quelques rangs derrière moi, le temps de réunir les informations nécessaires à son récit; il pense en avoir assez vu et flotte à présent dans les airs, suspendu à un parachute, en direction de montagnes rocheuses et en grande partie enneigées - mais ça n'a pas l'air de l'inquiéter et ce n'est pas mon rôle de veiller sur lui.
Le Narrateur est un sacré gaillard, après tout: d'après son profil Facebook, il a exploré la nuit boréale armé d'une seule lampe torche, rentré chez lui a inventé une ampoule à filament indestructible, "pour ne plus jamais être seul dans le noir" a-t-il déclaré, c'est vrai qu'il était émotionnellement instable après ce voyage, son seul ami pendant des mois était une tortue dont il avait orné la carapace, peu à peu, de douzaines d'ampoules resplendissantes, la tortue a fini par mourir, condamné en justice il s'est exilé pour la Nouvelle-Zélande où il a élevé des moutons, en se sentant triste, jusqu'au jour où son troisième œil a commencé à le démanger.

Mais c'est une autre histoire que lui seul peut vous raconter. Or il est en ce moment quelque peu occupé: ayant fait virer son parachute en direction d'une ville au pied des montagnes, il fait passer le temps de la descente en pensant au poisson mort par ma faute. Au néant qui menace toujours.
Le Narrateur est à présent un jeune homme d'une trentaine d'année, grand, brun et maigre. Il a en sa possession un téléphone satellite et une carte bancaire, mais il a sommeil. Quand il sera revenu sur terre, il ira se trouver une chambre d'hôtel pour faire un somme avant de continuer sa quête.
C'est une affaire de scarabée et de cadenas. Le Narrateur doit la résoudre à tout prix.
Le problème c'est que chaque fois qu'il a une idée, ça tourne mal. Côté animal, il est bredouille. Côté cadenas... l'avion en flammes s'écrase sur un arbre.

Comme dans un jeu de dés, c'est le hasard qui le fait progresser. Moi, je connais ça, mais lui, mon Narrateur, ne s'y est pas encore habitué. Il m'a laissé dans l'avion qui vole vers le néant et, quant à lui, tente de s'y retrouver.
Il a l'impression d'avoir marché à reculons depuis le début, d'avoir toujours possédé la clé du cadenas mais sans l'utiliser, comme s'il comptait sur la magie ou sur d'anciennes catégories de discours pour lui montrer la direction à suivre. Il comprend à présent que c'était une erreur, une injustice à réparer.

Cependant, toutes les directions sont possibles. Certaines ne mènent à rien, d'autres sont lentes, d'autres égrènent un décompte par trop rigide, certaines tombent à plat, d'autres ne veulent rien dire, d'autres encore sont trop carrées, certaines semblent venir d'une autre planète, enfin les dernières sont tristes, et personne n'aime être triste.
Cependant, toutes les directions sont possibles.




(à suivre)

Antoine B.

Seuil 3

La Team Three est arrivée au terme de son troisième cycle d'épisodes. Les épisodes 11 à 15 de chaque auteur ont été assemblés et mis en ligne:
  1. La page 3 du texte de Gregory Mion.;
  2. La page 3 du texte de Prisca;
  3. La page 3 du texte d'Aimèphe;
  4. La page 3 du texte d'Antoine B.;
  5. La page 3 du texte de Rose;
Bravo aux auteurs!

Les épisodes 16 sont en préparation.

vendredi 2 mars 2012

Episode 15


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Si la devanture du lieu avait une dignité de restaurant, l’intérieur était plus proche de la restauration rapide. Des dizaines de comptoirs étaient disséminés sans intention architecturale dans une salle d’environ cent mètres carrés. Chaque comptoir proposait des raffinements variés où dominaient quantité de pyramides de viande. Malgré l’heure avancée, un homme d’origine asiatique coiffé d’une toque blanche pointait à tous les comptoirs. On aurait dit des clones, voire des mannequins en carton censés faire illusion. Calbert alla vers le cuistot qui lui faisait directement face, sans réfléchir outre mesure aux pancartes qui surplombaient les comptoirs et sur lesquelles on pouvait lire des informations liées aux prix ainsi qu’à la nature des aliments. L’homme, caparaçonné de sa toque et voyant Calbert se rameuter, atteignit le maximum de largeur que sa bouche était en mesure de présenter par l’entremise d’un sourire. Il avait les dents parfois édentées, un bout de salade coincé quelque part, du tartre collé comme du mortier qu’on eût placardé d’une truelle négligente. Son cou allongé achevait de lui donner un vestige d’apparence reptilienne, mais comme il tenait une louche prête à servir, on se disait que c’était quand même encore un homme. Il salua Calbert d’une intonation saccadée, se courba légèrement, puis il attendit que le professeur fasse son choix. Ces bacs en inox qui débordaient de nourritures industrielles étaient rédhibitoires. L’un d’entre eux puait plus que les autres ; il envoyait une vapeur de viande faisandée qui pataugeait dans un marécage de sauce rouge. Calbert réprima un haut-le-cœur et se détourna de cette vision émétique. Il se rabattit sur la valeur paradigmatique d’un riz cantonnais dont les cubes de jambon étaient fluorescents, au même titre, du reste, que les copeaux d’œufs brouillés. Quel que fût le dégoût que sa tête promouvait, il ne perturba pas le cuistot qui en profita pour affermir de nouveau son sourire. La louche arracha du monticule de riz une portion qui fut déposée dans un bol gravé d’idéogrammes noirs. Comprenant que le riz suffirait à la peine de son client, un geste du serveur montra à Calbert l’endroit où il fallait aller payer ; c’était une caisse sombre en fond de salle, occupée par une jeunette obèse qui piquait d’un cure-dent des chips à la crevette. Il lui en coûta cinq dollars. Pour du merdique, ce n’était pas donné.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”- « Vous êtes Mademoiselle Cerbiloni ? »
- « Elle-même. Bonjour Docteur. »
- « Bonjour, enchanté, Docteur Over. Veuillez me suivre s’il vous plaît. Ne soyez pas inquiète, tout va bien se passer, c’est une simple formalité, un contrôle de routine. Il n’y a rien de douloureux ni de désagréable, n’ayez crainte. »
Cécile suivit le Docteur Over – quel nom… se dit-elle. Était-ce un signe ? En tous cas, ça y ressemblait fort. De quoi la déstabiliser un peu plus encore. La carapace qu’elle s’était échinée à se forger ces derniers jours était en train de se fissurer de tous les côtés. Combien de temps allait-elle encore pourvoir tenir…
Pendant que le médecin l’auscultait elle passa en revue dans sa tête l’ensemble des épisodes. De la ballade avec Alexis à travers champs, juste avant le drame, lorsque ses seules angoisses se résumaient à ne pas se faire pincer par le voisin au moment où ils volèrent quelques pommes dans son jardin ; à l’homme masqué qui se trouvait sur les lieux, à peine deux jours plus tard, et qui s’était emparé de la mallette ; jusqu’aux traces de pas retrouvées à La Hutte. Les gens qui étaient venus visiter sa maison étaient-ils connectés à celui qui l’avait assommée ? Il y avait peu de chance pour que ce ne soit pas le cas. Un malheureux concours de circonstances semblait improbable. Ou bien peut-être était-ce un groupe de tierces personnes en quête de la même chose… Cherchaient-ils également la mallette ? Tout semblait tourner autour d’elle. Malheureusement, Cécile n’avait aucune idée de ce qui pouvait se trouver à l’intérieur.
Le docteur Over, quant à lui, était en train de compter le nombre de tubes qu’il allait devoir remplir avec le sang de Cécile.” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “« Sans vous je ne suis qu’un ver qui cherche le fruit dans lequel vivre », bien qu’il trouvât la tournure empreinte de mièvrerie, Morphée n’était pas indifférent aux sentiments qu’elle exprimait peut-être parce qu’il était lui aussi un peu amoureux…
Une nuit, chose étrange, il ne rêva pas de Nodiesop mais de son père Esteban 1er, la tortue cherokee. Dans son rêve ou plutôt son cauchemar, le silence régnait, Esteban 1er à dos de girafe décapitait par centaine des lampadaires, ce qui plongeait le champ de bataille dans une obscurité profonde. A son réveil, Morphée était terrifié par toute cette cruauté.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Cependant, toutes les directions sont possibles. Certaines ne mènent à rien, d'autres sont lentes, d'autres égrènent un décompte par trop rigide, certaines tombent à plat, d'autres ne veulent rien dire, d'autres encore sont trop carrées, certaines semblent venir d'une autre planète, enfin les dernières sont tristes, et personne n'aime être triste.
Cependant, toutes les directions sont possibles.” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “Elle était venue s’installer au Caire l’année de ses 25 ans, après deux années de travail bureaucratique infructueux passées à Paris, Margareth s’était alors dit que « c’était le moment où jamais » , avait rangé ses affaires dans des boites en carton et s’était envolée vers la chaleur fiévreuse du désert. Elle avait été accueillie par des amis de son oncle, dans leur appartement d’Héliopolis, mais trop éloignée du centre à son goût, avait décidée de s’installer sur l’île luxuriante de Gezira.” (Rose)

Episode 14

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Son attention se reporta sur son environnement direct. Une imposante enseigne publicitaire en forme de cube clignotait au-dessus d’un bâtiment qui refoulait une atroce odeur de bouffe. Des écritures chinoises remplissaient les faces du gros cube, jetant sur les pourtours des rayons psychédéliques. Calbert n’avait guère mangé dans l’avion, excepté la collation post-décollage où on lui avait servi en guise de café un jus de chaussettes accompagné d’un cookie emballé dans du plastique. Il aurait préféré les céréales pour gamins qui contiennent toujours des jouets magiques ou des figurines Marvel. Aussi, à l’heure actuelle, son estomac réclamait une réplétion. Tant pis pour la qualité sinusoïdale des spécialités asiatiques ; il avait si faim qu’il était capable d’improviser l’éloge d’un nem infléchi par quelque graisse végétale cancérigène. En trois enjambées, il fut devant la porte cochère du restaurant. Sur ses talons, sa valise paraissait imiter les gargouillements de son ventre.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”Il se demandait néanmoins où pouvait bien se trouver la clé qui permettait d’ouvrir ce cadenas. Encore une question à laquelle il ne serait pas en mesure d’avoir une réponse facilement, songea-t-il. Mais résoudre une affaire, quelle qu’elle soit, n’était jamais tâche aisée et prenait souvent beaucoup de temps. Marc le savait et il avait signé pour ça. Il faisait partie de cette jeune élite qui monte dans la police et qui a la rage de vaincre au ventre, quels que soient les enquêtes et les protagonistes.

La porte de son bureau s’entrouvrit, un des jeunes chimistes du laboratoire se tenait dans l’entrebâillement :

- « Oui Maxime ? » fit Marc,

- « Lieutenant Tilmann, c’était pour vous dire que nous avions analysé la substance recueilli sur les traces de pas que vous avez trouvez au domicile de Melle Cerbiloni »

- « Et ? »

- « C’est du plâtre, Lieutenant »

Le visage de Marc s’assombri :

- « Je vous remercie Maxime. Revenez me donner les résultats suivants dès que vous les aurez »

Maxime referma la porte aussitôt, laissant Marc en pleine réflexion. Qu’est-ce que du plâtre venait faire au milieu de tout ça ? Il n’y en avait pas chez Cécile, ni aux alentours, ni même près du pont et de la rivière. Cette histoire commençait à partir dans tous les sens, et cela inquiétait Marc car même s’il n’en avait pas encore la preuve, il avait la conviction que cette affaire allait se révéler beaucoup plus grave qu’elle n’y paraissait. Sans compter qu’il savait que Cécile lui avait menti sur bien des points, il n’était point nécessaire d’avoir fait 5 ans d’école de police pour le deviner.

Cécile quant à elle aurait souhaité à ce moment précis pouvoir se télé-transporter d’un coup de baguette magique dans un avion, destination Nouméa ! Une fois de plus, sa seule échappatoire était de rêver à ce jour où elle pourrait enfin tout quitter sans se retourner. Ceci-dit, il était encore temps de s’enfuir dès à présent et d’échapper à cette enquête menée de main de maître par Marc... Elle n’eut pas le temps de considérer cette pensée, le médecin fit son entrée dans le corridor. Trop tard, les dés sont jetés, se dit-elle tout bas.” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “L'an 2000. Imagine un peu ça Valentine, l'an 2000. On pensait que le monde allait changer, on avait plein de rêves, plein de peurs aussi, que la Lune viennent se poser ici, que toutes les machines meurent, des choses comme ça. Dans un village de Touraine, un grand bal sous les arbres illuminés. De la musique, des pas de danse, tout le monde ou presque s'était déguisé. Des masques tristes enlaçaient des masques gais, la petite fille virevoltait entre les jambes, folle de joie dans une robe à fleurs, un grand manteau, des chaussures rouges vernies et un bonnet. Et là, une main. Une main folle. A qui est la main ? Il y a bien cet homme triste, dans un coin, et là-bas, cet autre qui semble dormir, le visage plein d'alcool. Mais la petite fille cherche une main, une main méchante qui a soulevé sa jupe. Et toutes les mains se ressemblent. C'est là, à minuit, alors que le monde dansait, prêt à tous les changements, que tous les visages se sont mis, pour elle, à ressembler à d'énormes mains.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Comme dans un jeu de dés, c'est le hasard qui le fait progresser. Moi, je connais ça, mais lui, mon Narrateur, ne s'y est pas encore habitué. Il m'a laissé dans l'avion qui vole vers le néant et, quant à lui, tente de s'y retrouver.
Il a l'impression d'avoir marché à reculons depuis le début, d'avoir toujours possédé la clé du cadenas mais sans l'utiliser, comme s'il comptait sur la magie ou sur d'anciennes catégories de discours pour lui montrer la direction à suivre. Il comprend à présent que c'était une erreur, une injustice à réparer.” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “Margareth habitait depuis quelques années en Egypte, elle en était tombée amoureuse dès qu’elle avait posé le pied sur le tarmac brulant en sortant de l’avion un matin d’été.
Elle était revenue avec ses parents plusieurs fois ensuite ; son oncle y était ambassadeur à l’époque, et ils allaient souvent les retrouver, lui et sa femme. Margareth avait alors rencontré leurs amis, des artistes, géologues, voyageurs, et aristocrates; et avaient passé de longues soirées fiévreuses à refaire le monde, grisés par le champagne. ” (Rose)