lundi 20 février 2012

Episode 6


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Les dispositifs lumineux chargés de nous rappeler que la ceinture de sécurité doit être attachée étaient en alerte. Ils dégageaient une phosphorescence surnaturelle, comme la chevelure dorée d’une princesse retenue au sommet d’un donjon contraste avec la noirceur de l’édifice. Sous l’effet de cette pyrotechnie artificielle, le suicidaire se détourna un instant de ses ratiocinations, quitta la scutigère des yeux en même temps que ses projets mortifères, revit le piranha qui se cramponnait à son magazine, une sueur de bœuf ensemencée sur sa figure, et il tomba sur cette main féminine qui fleurissait sur le dessus de son siège, enracinée parce qu’elle se cramponnait aussi. Il ne se demanda pas longtemps à qui elle appartenait ; il n’eut qu’à remonter la pente corporelle qui allait de la main à l’épaule, puis de la clavicule au cou, et enfin il soupesa la vue de dos qui s’offrait à lui, tel un immeuble filiforme domine une avenue dont les bâtiments sont en majorité construits dans le sens de la largeur. Nous n’aurons aucun mal à identifier l’hôtesse qui surplombait de sa fonction (et de son allure) les ruelles d’un avion qui s’enfonçait dans l’épouvante.” (Gregory Mion)



(Suite de l’histoire n°2) ”Un quart d'heure environ s'écoula avant qu'elle ne réussisse à se relever complètement. Elle s'apprêtait à retourner sur les bords de la rivière quand elle vit qqch parterre près de l'escalier. Des traces de pas. Des empreintes qui venaient du premier étage et qui se dirigeaient vers le salon. Elle suivit le chemin emprunté par ces pieds inconnus et se vit menée à la porte dérobée du bureau. Très bien. C'en était trop, elle décida de se rendre au commissariat. Allait-il falloir qu'elle soit habile tout de même, car elle avait elle-même des choses à cacher. Mais elle ne se sentait désormais plus en sécurité, il fallait qu'elle fasse quelque chose. Qui de mieux que les représentants de la loi pour assurer sa protection ? Ce ne serait certainement pas à son électricien de frère, membre permanent de la fédération officielle des abonnés absents, qu'elle pouvait envisager de demander secours. Ni à sa comptable de sœur, dont la vie ressemblait a s'y méprendre à un monastère en plein hiver. Et elle n'avait pas d'autre famille. Quelques amis, certes, mais de toute manière il fallait qu'elle reste discrète. Et paradoxalement il lui semblait beaucoup plus simple de dissimuler l'essentiel à la police qu'à ses proches. Elle pris son sac et se mit en direction du commissariat. Ce n'était pas très loin, dans les petits villages comme celui-ci, les forces de l'ordre siègent toujours au cœur de la petite cité. Ce qui parfois peut-être un vrai problème, mais en l'occurrence cela l'arrangeait bien. Dans les grandes villes, la maison de la loi réside souvent au rez-de-chaussée d'un immeuble en béton de cinq étages. Ici, on venait demander secours dans une maisonnette qui ressemble à une école primaire un lendemain de kermesse. Il y avait même des ampoules multicolores et des fleurs en plastique qui ornaient l'entrée. Fallait-il y voir un manque de crédibilité certain ? Leurs investigations étaient-elles à la hauteur malgré tout ? Autant de questions que tout le village se posait régulièrement.” (Prisca)



(Suite de l’histoire n°3) “Sa grand-mère était une très belle femme qui vivait seule dans sa tour d’ivoire entourée de livres et de myriades de fleurs de toutes les couleurs qui sentaient bon le bonheur. Elle adorait les énigmes et les échecs, s’insurgeait contre l’injustice, militait contre le racisme et figurait parmi les esprits les plus éclairés de notre siècle. Elle était en effet célèbre pour ses écrits philosophiques et ses essais contre la peine de mort du temps où les têtes des condamnés étaient encore coupées sous le joug de la justice. Mais ce qu’elle aimait par dessus tout, c’était le plaisir simple de se promener pieds nus sur la plage avec Hestia en lui contant les mythes de la Grèce antique.” (Aimèphe)



(Début de l’histoire n°4) “J'ai regardé ce que faisaient les autres autour de moi. Objectivement, et même si l'on s'occupe de nous en nous ôtant du même coup une part de notre indépendance, et même si en dernière instance nous dépendons des plans que Vulcain a tracés pour nous à coups d'éclair hasardeux (ou non) dans le ciel, les passagers d'un même avion partagent un intérêt commun, celui d'arriver à bon port, et forment donc une équipe.
Seulement, on ne sait jamais qu'a posteriori ce qui se passe dans la conscience d'autrui. En plus, en ce moment, tout le monde dort. Il faut je crois me satisfaire d'avoir ramené l'avion sur son trajet initial, de m'être éveillé un moment.
Sauf que je n'arrive plus à me rendormir: tout tordu dans mon siège de classe économique trop petit pour moi, ma position corporelle doit ressembler, vue de l'extérieur, à un point d'interrogation inversé. C'est dire si j'ai besoin de m'étirer.
Si j'étais dans une tour plutôt que dans un tipi, on pourrait imaginer les choses autrement: soit dans un univers médiéval, je marcherais pieds nus à la recherche d'une fleur magique dont le pollen en potion rendrait la vie à ma dulcinée cataleptique; soit dans la jungle urbaine contemporaine, j'aurais une idée pour réduire les inégalités économiques, mes voisins m'aimeraient bien.
Mais c'est un tipi alors je suis dans un avion.” (Antoine B.)



(Suite de l’histoire n°5) “Elle poussa la porte de l'immeuble et monta dans l'ascenseur. Elle avait toujours trouvé que c'était un lieu propice à la réflexion. Elle regarda ses ongles, et l'ascenseur s’arrêta dans un soubresaut.” (Rose)

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