samedi 18 février 2012

Page 1 (Prisca)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 1 du texte de Prisca]

Partir Loin. Le Plus loin possible. Faire un long voyage vers une destination inconnue. Tel était le désir de Cécile. Rencontrer des animaux tropicaux, affronter des tempêtes, découvrir une espèce de plantes jamais répertoriée au détour d'une immense forêt...Chacune de ses nuits était empreinte de ce songe. Retrouver la sérénité. Échapper à cette foutue culpabilité. Elle en était désormais convaincue, ce serait le seul biais pour se soustraire à ce feu. Une seule question subsistait : où diable cacher la clé ?
Il était 2h30 du matin quant elle s’éveilla à nouveau. C’était la cinquième fois cette nuit. Elle avait encore rêvé de faune et de fruits exotiques… de quoi lui égayer l’esprit un bref instant. Mais comme lors de chaque réveil depuis le drame, la réalité la rattrapa en un éclair. La clé. Que faire de la clé. Il fallait qu'elle trouve un endroit où la dissimuler. Jamais personne ne devait découvrir ce qu'il s'était passé. Elle bondit hors du lit, s'habilla en quatrième vitesse, et sortit de la hutte à toute allure. Elle traversa la rue et s’engouffra dans l’étroite rue du marché. Puis, elle emprunta le pont. Le pont. Celui-là même qui avait été le témoin de cette tragique nuit. Elle stoppa sa course un instant et ne pu s’empêcher de jeter un œil vers la rivière. Elle avait du mal à se souvenir de tout, certains détails demeuraient flous.
Elle se rappelait la senteur des fleurs qui la bordent, leur longue marche à travers champs cette nuit d’été, le murmure insistant des insectes, le bruit de l’eau qui ruisselait lentement. Ils avaient croisé quelques moutons un peu plus tôt dans l’après-midi, piqué des pommes dans le jardin qui avoisinait « La Hutte », la maison familiale qui avait été construite par son grand-père. Tout était parfait. Elle n’avait de cesse de le regarder, son cœur battait avec véhémence. Puis ses yeux furent attirés par une lumière au beau milieu de la rivière. Quelque-chose scintillait. Juste là, à quelques mètres d’eux.
Le bourdonnement d’une abeille au creux de son oreille la soutira instantanément de ses pensées. Elle se remit à marcher à vive allure, il ne fallait pas perdre de vue l’objectif. Elle emprunta l’escalier qui était de l’autre côté du pont et rejoignit ainsi l’autre rive. Il fallait retrouver le bon buisson, et cela n’allait pas être chose aisée, d’autant qu’il faisait nuit noire. La lune était quasi inexistante, étrangement d’ailleurs... comme si elle avait, elle aussi, perdue son âme dans les ténèbres. Elle avait tout de même eu la judicieuse idée de prendre sa lampe de poche. Cécile était de ce genre de personnes qui gardent les idées claires y compris dans les circonstances les plus rudes, déterminées à atteindre ses objectifs quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte. Sa main gauche serrait ardemment la clé, tandis que ses yeux scrutaient le bord de la rive. Elle sentait la nausée lui monter à mesure qu’elle se rapprochait. À la fois excitée par l’idée de découvrir enfin ce qu’il se cachait dans la valisette qu’ils avaient planqué ce soir-là, et ravagée par la tristesse, le remord et la culpabilité, Cécile avait le sentiment qu’elle était plus proche que jamais d’appréhender l’essence même du mot schizophrène. Peu importe, elle en était là maintenant et il fallait qu’elle retrouve la valisette, qu’elle dissimule la clé et qu’elle prenne la poudre d’escampette ! Mais quand enfin elle reconnu l’arbuste en question, elle n’eut pas l’occasion de s’en approcher ni de même d’organiser sa pensée. Elle distingua des traces de pas entre les buissons et sentit une main se poser sur son épaule. Elle eu juste le temps d’apercevoir une silhouette massive et le masque blanc inexpressif qui ornait son visage avant de sombrer dans un profond sommeil.

- « À quelle heure décolle le prochain avion pour Nouméa s’il vous plaît ? »

- « À 21h15, madame, c’est un vol de nuit. »

- « C’est parfait, ce sera l’occasion de voir d’un peu plus près la lune et les étoiles ! »

- « Si vous le dîtes… vous souhaitez prendre un billet ? »

- « Oui, ce sera un aller simple s’il vous plaît. »

- « Et voilà madame, nous vous remercions d’avoir choisi Arc-en-ciel Voyages »

Une légère brise effleura son visage et sonna la fin de l’évasion onirique. Cécile eut peine à rouvrir les yeux et la première chose qu’elle entraperçu en reprenant progressivement connaissance fut le « L » en acier trempé qui parait l’entrée de La Hutte. Elle gisait étendue sur le pas de sa propre porte. Mais comment diable s’était-elle retrouvée là ? … La Clé ! Elle ne l’avait plus sur elle. À l’intérieur de sa poche, plus rien à l’exception d’un pétale de fleur. Et surtout, elle ne sentait plus sa main gauche ni ses jambes ! Elle tenta de se redresser mais n’y parvint pas du premier coup. Elle se traina alors jusque sur le perron de la maison et saisit une des nombreuses cannes de son grand-père qui décoraient l’entrée de La Hutte depuis plus d’un demi-siècle. Se hissant progressivement sur ses genoux, elle recommença peu à peu à sentir le sang irriguer ses membres.


(à suivre)

Prisca

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