samedi 3 mars 2012

Page 3 (Prisca)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte de Prisca]

- "Marc, vous pensez que les hommes qui se sont introduis chez moi sont du village ?"

Marc releva les yeux.

- "Oui c'est tout à fait probable. Et je dirai même, au regard des traces de pas qui indiquent qu'ils savaient parfaitement se diriger au sein de votre maison, qu'ils connaissaient les lieux. Mais peut-être ne m'avez-vous pas attendu pour établir ce constat..."

Le parachute de secours de Cécile avait fonctionné, elle avait détourné l'attention de Marc des traces du bûcher. Mais elle avait susciter à nouveau sa suspicion. Son visage laissait parfaitement transparaître son malaise, elle n'avait jamais vraiment su mentir, encore moins face à un représentant de la justice. Mais il fallait impérativement qu'elle renforce sa carapace, l'heure n'était pas aux aveux, bien au contraire.

Elle cherchait une nouvelle idée pour se sortir de cette mauvaise passe quand elle aperçu quelque-chose briller quelques mètres plus loin. Elle s'avança avec hâte :

- "Marc, regardez, c'est ma lampe de poche !"

- "Ne la touchez pas !"

Marc enfila des gants et ramassa l'objet :

- "Vous portiez un pull en laine quand vous vous êtes faite agressée ?"

- "Non pourquoi ?"

- "Parce-qu'il y a des fibres coincées dans l'interrupteur, et cela ressemble à de la laine. Il va falloir que nous la fassions analyser également, on va peut-être pourvoir obtenir de précieuses informations."
Marc rangea la lampe dans un petit sac plastique qu’il enfourna dans la poche intérieure de sa veste. Il prit également le temps, au grand désespoir de Cécile, de prélever un peu de terre, d’eau et de cendres là où gisaient les traces de feu et les poissons morts en bordure de rivière. Il y avait également des nuées d’insectes qui stagnaient juste au-dessus, ce qui suscita encore un peu plus la curiosité de Marc. À ce moment précis, elle su que les heures étaient comptées avant qu’il ne découvre qu’il s’était passé quelque-chose de terrible à cet endroit. Il allait falloir la jouer très finement et ce n’était pas gagné étant donné son état de fatigue grandissant.

Ils continuèrent à longer la rive jusqu’à ce que Cécile indique l’endroit précis où avait eu lieu son agression. Marc prit un air encore plus grave qu’auparavant et se mit à fouiner consciencieusement de tous les côtés à la recherche d’indices, si minimes soient-il. Cécile fit mine d’en faire autant mais cherchait en réalité la valisette. Évidemment, elle n’était plus dans sa cachette sous l’arbuste. Ce qui voulait dire que le mystérieux homme masqué était en possession de la valisette et de la clé. Cécile se rendait compte que tout cela commençait à la dépasser complètement. Elle pensait être la seule à connaître l’existence de cette mallette mais elle était visiblement loin de maîtriser tous les tenants et les aboutissants de cette histoire.

Marc interrompit son intense réflexion :

- « Regardez ! »

Il tenait un petit sac en feutre rouge dans sa main droite

- « Qu’est-ce que c’est ? » Cécile était pour une fois réellement surprise de la trouvaille de Marc.

- « Je ne sais pas, je viens de le trouver en creusant un peu au pied de l’arbre »

Marc ouvrit le sac avec précaution et découvrit à l’intérieur un téléphone portable, une carte bleue au nom de M. Axel Merandi, et un cadenas. Ils restèrent tous deux perplexes durant quelques minutes. Marc finit par rompre le silence :

- « Vous connaissez ce monsieur Merandi ? »

- « Absolument pas »

Marc se releva et invita Cécile à en faire autant :

- « Il est temps que je retourne au commissariat pour étudier tout cela et que vous vous rendiez à l’examen médical, Cécile. Cette histoire ne me dit rien qui vaille et bien que vous ayez refusé la visite du médecin tout à l’heure, je préfère qu’il vous examine malgré tout. Vous avez quand même reçu un coup violent derrière la tête, nous ne pouvons pas nous permettre de vous laisser rentrer chez vous sans avis médical ».

Cécile ne discuta pas les consignes de Marc et se mit en direction de la voiture à ses côtés.
De retour au commissariat, Marc rejoignit le labo et Cécile fut invitée à patienter dans le corridor. Outre le fait qu’elle était rongée par l’anxiété suite aux diverses découvertes de Marc, elle était par ailleurs très inquiète de devoir subir les examens médicaux de rigueur. Il était impératif qu’elle évite la prise de sang. Il allait déjà être fort difficile de conserver le semblant de l’innocence compte tenu des éléments que Marc avait recueilli au cours de l’enquête, cela deviendrait à coup sûr impossible s’il venait à découvrir les traces d’empoisonnement dans son organisme. Les mains croisées dans le dos, elle faisait les cents pas dans toutes les directions possibles.

Marc avait déjà commencé à ausculter les indices recueillis sur les lieux. Il avait remis les fibres de laine et les échantillons de feuillages et de cendres aux laborantins et s’attelait à étudier de son côté les éléments trouvés dans le sac en feutre rouge. Il commença par le cadenas et observa à la loupe et au néon la serrure. Il était évident que celle-ci avait été forcée. Et Marc fut satisfait de découvrir cela. Une petite idée de scenario avait déjà commencé à germer dans son esprit.
Il se demandait néanmoins où pouvait bien se trouver la clé qui permettait d’ouvrir ce cadenas. Encore une question à laquelle il ne serait pas en mesure d’avoir une réponse facilement, songea-t-il. Mais résoudre une affaire, quelle qu’elle soit, n’était jamais tâche aisée et prenait souvent beaucoup de temps. Marc le savait et il avait signé pour ça. Il faisait partie de cette jeune élite qui monte dans la police et qui a la rage de vaincre au ventre, quels que soient les enquêtes et les protagonistes.

La porte de son bureau s’entrouvrit, un des jeunes chimistes du laboratoire se tenait dans l’entrebâillement :

- « Oui Maxime ? » fit Marc,

- « Lieutenant Tilmann, c’était pour vous dire que nous avions analysé la substance recueilli sur les traces de pas que vous avez trouvez au domicile de Melle Cerbiloni »

- « Et ? »

- « C’est du plâtre, Lieutenant »

Le visage de Marc s’assombri :

- « Je vous remercie Maxime. Revenez me donner les résultats suivants dès que vous les aurez »

Maxime referma la porte aussitôt, laissant Marc en pleine réflexion. Qu’est-ce que du plâtre venait faire au milieu de tout ça ? Il n’y en avait pas chez Cécile, ni aux alentours, ni même près du pont et de la rivière. Cette histoire commençait à partir dans tous les sens, et cela inquiétait Marc car même s’il n’en avait pas encore la preuve, il avait la conviction que cette affaire allait se révéler beaucoup plus grave qu’elle n’y paraissait. Sans compter qu’il savait que Cécile lui avait menti sur bien des points, il n’était point nécessaire d’avoir fait 5 ans d’école de police pour le deviner.

Cécile quant à elle aurait souhaité à ce moment précis pouvoir se télé-transporter d’un coup de baguette magique dans un avion, destination Nouméa ! Une fois de plus, sa seule échappatoire était de rêver à ce jour où elle pourrait enfin tout quitter sans se retourner. Ceci-dit, il était encore temps de s’enfuir dès à présent et d’échapper à cette enquête menée de main de maître par Marc... Elle n’eut pas le temps de considérer cette pensée, le médecin fit son entrée dans le corridor. Trop tard, les dés sont jetés, se dit-elle tout bas.
- « Vous êtes Mademoiselle Cerbiloni ? »
- « Elle-même. Bonjour Docteur. »
- « Bonjour, enchanté, Docteur Over. Veuillez me suivre s’il vous plaît. Ne soyez pas inquiète, tout va bien se passer, c’est une simple formalité, un contrôle de routine. Il n’y a rien de douloureux ni de désagréable, n’ayez crainte. »
Cécile suivit le Docteur Over – quel nom… se dit-elle. Était-ce un signe ? En tous cas, ça y ressemblait fort. De quoi la déstabiliser un peu plus encore. La carapace qu’elle s’était échinée à se forger ces derniers jours était en train de se fissurer de tous les côtés. Combien de temps allait-elle encore pourvoir tenir…
Pendant que le médecin l’auscultait elle passa en revue dans sa tête l’ensemble des épisodes. De la ballade avec Alexis à travers champs, juste avant le drame, lorsque ses seules angoisses se résumaient à ne pas se faire pincer par le voisin au moment où ils volèrent quelques pommes dans son jardin ; à l’homme masqué qui se trouvait sur les lieux, à peine deux jours plus tard, et qui s’était emparé de la mallette ; jusqu’aux traces de pas retrouvées à La Hutte. Les gens qui étaient venus visiter sa maison étaient-ils connectés à celui qui l’avait assommée ? Il y avait peu de chance pour que ce ne soit pas le cas. Un malheureux concours de circonstances semblait improbable. Ou bien peut-être était-ce un groupe de tierces personnes en quête de la même chose… Cherchaient-ils également la mallette ? Tout semblait tourner autour d’elle. Malheureusement, Cécile n’avait aucune idée de ce qui pouvait se trouver à l’intérieur.
Le docteur Over, quant à lui, était en train de compter le nombre de tubes qu’il allait devoir remplir avec le sang de Cécile.



(à suivre)

Prisca

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