vendredi 2 mars 2012

Episode 15


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Si la devanture du lieu avait une dignité de restaurant, l’intérieur était plus proche de la restauration rapide. Des dizaines de comptoirs étaient disséminés sans intention architecturale dans une salle d’environ cent mètres carrés. Chaque comptoir proposait des raffinements variés où dominaient quantité de pyramides de viande. Malgré l’heure avancée, un homme d’origine asiatique coiffé d’une toque blanche pointait à tous les comptoirs. On aurait dit des clones, voire des mannequins en carton censés faire illusion. Calbert alla vers le cuistot qui lui faisait directement face, sans réfléchir outre mesure aux pancartes qui surplombaient les comptoirs et sur lesquelles on pouvait lire des informations liées aux prix ainsi qu’à la nature des aliments. L’homme, caparaçonné de sa toque et voyant Calbert se rameuter, atteignit le maximum de largeur que sa bouche était en mesure de présenter par l’entremise d’un sourire. Il avait les dents parfois édentées, un bout de salade coincé quelque part, du tartre collé comme du mortier qu’on eût placardé d’une truelle négligente. Son cou allongé achevait de lui donner un vestige d’apparence reptilienne, mais comme il tenait une louche prête à servir, on se disait que c’était quand même encore un homme. Il salua Calbert d’une intonation saccadée, se courba légèrement, puis il attendit que le professeur fasse son choix. Ces bacs en inox qui débordaient de nourritures industrielles étaient rédhibitoires. L’un d’entre eux puait plus que les autres ; il envoyait une vapeur de viande faisandée qui pataugeait dans un marécage de sauce rouge. Calbert réprima un haut-le-cœur et se détourna de cette vision émétique. Il se rabattit sur la valeur paradigmatique d’un riz cantonnais dont les cubes de jambon étaient fluorescents, au même titre, du reste, que les copeaux d’œufs brouillés. Quel que fût le dégoût que sa tête promouvait, il ne perturba pas le cuistot qui en profita pour affermir de nouveau son sourire. La louche arracha du monticule de riz une portion qui fut déposée dans un bol gravé d’idéogrammes noirs. Comprenant que le riz suffirait à la peine de son client, un geste du serveur montra à Calbert l’endroit où il fallait aller payer ; c’était une caisse sombre en fond de salle, occupée par une jeunette obèse qui piquait d’un cure-dent des chips à la crevette. Il lui en coûta cinq dollars. Pour du merdique, ce n’était pas donné.” (Gregory Mion)


(Suite de l’histoire n°2) ”- « Vous êtes Mademoiselle Cerbiloni ? »
- « Elle-même. Bonjour Docteur. »
- « Bonjour, enchanté, Docteur Over. Veuillez me suivre s’il vous plaît. Ne soyez pas inquiète, tout va bien se passer, c’est une simple formalité, un contrôle de routine. Il n’y a rien de douloureux ni de désagréable, n’ayez crainte. »
Cécile suivit le Docteur Over – quel nom… se dit-elle. Était-ce un signe ? En tous cas, ça y ressemblait fort. De quoi la déstabiliser un peu plus encore. La carapace qu’elle s’était échinée à se forger ces derniers jours était en train de se fissurer de tous les côtés. Combien de temps allait-elle encore pourvoir tenir…
Pendant que le médecin l’auscultait elle passa en revue dans sa tête l’ensemble des épisodes. De la ballade avec Alexis à travers champs, juste avant le drame, lorsque ses seules angoisses se résumaient à ne pas se faire pincer par le voisin au moment où ils volèrent quelques pommes dans son jardin ; à l’homme masqué qui se trouvait sur les lieux, à peine deux jours plus tard, et qui s’était emparé de la mallette ; jusqu’aux traces de pas retrouvées à La Hutte. Les gens qui étaient venus visiter sa maison étaient-ils connectés à celui qui l’avait assommée ? Il y avait peu de chance pour que ce ne soit pas le cas. Un malheureux concours de circonstances semblait improbable. Ou bien peut-être était-ce un groupe de tierces personnes en quête de la même chose… Cherchaient-ils également la mallette ? Tout semblait tourner autour d’elle. Malheureusement, Cécile n’avait aucune idée de ce qui pouvait se trouver à l’intérieur.
Le docteur Over, quant à lui, était en train de compter le nombre de tubes qu’il allait devoir remplir avec le sang de Cécile.” (Prisca)


(Suite de l’histoire n°3) “« Sans vous je ne suis qu’un ver qui cherche le fruit dans lequel vivre », bien qu’il trouvât la tournure empreinte de mièvrerie, Morphée n’était pas indifférent aux sentiments qu’elle exprimait peut-être parce qu’il était lui aussi un peu amoureux…
Une nuit, chose étrange, il ne rêva pas de Nodiesop mais de son père Esteban 1er, la tortue cherokee. Dans son rêve ou plutôt son cauchemar, le silence régnait, Esteban 1er à dos de girafe décapitait par centaine des lampadaires, ce qui plongeait le champ de bataille dans une obscurité profonde. A son réveil, Morphée était terrifié par toute cette cruauté.” (Aimèphe)


(Suite de l’histoire n°4) “Cependant, toutes les directions sont possibles. Certaines ne mènent à rien, d'autres sont lentes, d'autres égrènent un décompte par trop rigide, certaines tombent à plat, d'autres ne veulent rien dire, d'autres encore sont trop carrées, certaines semblent venir d'une autre planète, enfin les dernières sont tristes, et personne n'aime être triste.
Cependant, toutes les directions sont possibles.” (Antoine B.)


(Suite de l’histoire n°5) “Elle était venue s’installer au Caire l’année de ses 25 ans, après deux années de travail bureaucratique infructueux passées à Paris, Margareth s’était alors dit que « c’était le moment où jamais » , avait rangé ses affaires dans des boites en carton et s’était envolée vers la chaleur fiévreuse du désert. Elle avait été accueillie par des amis de son oncle, dans leur appartement d’Héliopolis, mais trop éloignée du centre à son goût, avait décidée de s’installer sur l’île luxuriante de Gezira.” (Rose)

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